Un écrivain est-il nécessairement un auteur publié ?

Cinq professionnels du secteur du livre évoquent leur vision de ce qu’est un écrivain et son rapport parfois complexe avec les éditeurs.

Quelle est votre définition de l’auteur ?
Jean-Yves Normant, créateur de la plateforme d’autoédition Bookelis : « Un auteur est quelqu’un qui va au bout de sa démarche d’écriture en allant jusqu’à la publication. Il y a ensuite différents types de profils. Certains publient pour le plaisir, pour une conservation familiale. D’autres souhaitent commercialiser à grande échelle ».

Alain Absire, Président de la SOFIA (Société Française des Intérêts des Auteurs de l’écrit) : « Les écrivains sont des auteurs mais l’inverse n’est pas forcément vrai. Les illustrateurs et traducteurs sont des auteurs aussi. Ecrivain est très spécifique. Un traducteur sera plutôt un professionnel, qui vit de son art. Ce n’est pas si clair pour l’écrivain, qui a très souvent un autre métier pour vivre. Nous sommes obligés de faire vivre nos livres en nous produisant pour avoir une activité de passeur. Il faut être psychologiquement et physiquement apte à écrire. »

Laurent Bettoni, auteur et responsable éditorial pour les éditions La Bourdonnaye : « Un auteur de fiction est un observateur du monde, un créateur et le reflet d’une certaine partie de la société. Il invente des histoires avec ses mots. Il fait ensuite en sorte que ces histoires touchent les lecteurs. Malheureusement, dans l’esprit des gens, l’auteur est celui qui est publié traditionnellement ».

Mathieu Simonet, Vice-Président de la commission juridique à la SGDL : « La notion d’auteur est irrationnelle et très personnelle. Être auteur est une façon de voir le monde et d’appréhender les choses. Ce n’est pas forcément en lien avec l’édition ».

Les écrivains sont aujourd’hui en difficulté. Qui est responsable de cette situation ?
Carole Zalberg, écrivaine : « Quand l’éditeur publie un livre, il doit le défendre. C’est absurde d’accuser l’auteur pour le manque de ventes du livre. Son rôle est de faire la promotion. S’il est publié, alors cela signifie que l’éditeur y croit. En revanche, un éditeur peut décider de ne pas publier un second livre si le premier n’a pas marché. Personne ne peut nier que sans auteurs il n’y a pas de livres. Mais il peut se passer des années avant de toucher le moindre centime. C’est fou d’imaginer que l’on peut publier sans rien toucher. »

Alain Absire : « Il ne faut surtout pas partir de l’ide de vivre de sa plume. Seuls 2 000 auteurs de l’AGESSA vivent de leur travail d’écriture. Nos droits sur les ventes s’amenuisent. Parallèlement à cela, on peut rester des années sans publier. Il y a une habitude de la gratuité dans le domaine du livre, car l’idée est qu’il puisse être utile à tous. Nous participons donc à des lectures publiques ou des ateliers et intervenons en école pour obtenir des rémunérations supplémentaires ».

Laurent Bettoni :  « On se dirige vers la bestsellerisation des auteurs : 20% des auteurs empochent 90% du pactole. Si vous ne vendez pas énormément, vous ne serez pas mis en avant. 5% d’un livre à 18 euros, il vous reste 1,50 euros. Chacun doit jouer son rôle, de l’auteur à la maison d’édition. Parfois le livre marche, parfois non. Etant moyennement satisfait de l’édition traditionnelle, je me suis autoédité ».

Jean-Yves Normant :  « Il y a tellement de livres publiés que les éditeurs n’ont pas la capacité humaine d’assurer la promotion. Il ne peut assurer une promotion égale. L’auteur doit donc jouer un rôle de plus en plus important : il participe de plus en plus à la promotion. »

 (Crédits photo : Don Quichotte editions, Levure littéraire, LinkedIn, © Clémentine Perros, Catherine Hélie, Goinswriter) Propos recueillis au cours d’une rencontre lors du Salon du Livre de Paris 2015.