En tant qu’auteur, vous avez sans doute remarqué que les idées qui servent de point de départ aux histoires arrivent sans prévenir. Elles surgissent au détour d’une conversation entendue dans les transports en commun, de la lecture d’un journal, d’une scène observée dans la rue. Vous êtes souvent d’abord spectateur et tout à coup une idée émerge de ce que vous venez d’entendre, voir ou lire et vous pensez que vous pourriez bien écrire une histoire à partir de cela.
Mais comment les écrivains les plus reconnus ont-ils trouvé les idées qui ont servi de point de départ à leur meilleur livre ? Enviedecrire vous révèle leurs sources d’inspiration.
Truman Capote et son roman De sang froid
C’est en lisant le New York Times daté du 16 novembre 1959 que Truman Capote a eu une de ses meilleures idées. Il s’agissait d’un court article sur un fait divers présentant le quadruple meurtre qui avait frappé une famille de fermiers du Kansas. Le titre était simple, mais terrifiant : « Un riche fermier et trois membres de sa famille massacrés ». Au départ, Capote décida d’écrire un texte plus long pour le New Yorker qui raconterait l’histoire complète de ces meurtres. Il pense qu’il pourra traiter ce fait divers sanglant sous une nouvelle forme littéraire et en faire un « roman de non-fiction ». Il obtient du New Yorker de partir enquêter sur les lieux du drame, à Holcomb. Son amie d’enfance Harper Lee, à qui il a demandé de l’accompagner, facilite beaucoup ses relations avec la population locale du Midwest et lui est d’une aide précieuse durant son travail de recherches. L’écrivain passe de longs mois à interroger d’innombrables témoins et à étudier les rapports de police. Après l’arrestation des deux assassins, il les rencontre en prison grâce à la confiance d’Alvin Dewey, le policier chargé de l’enquête. Il gagne l’amitié de Perry Smith et de Dick Hickock au cours de ses visites. Il travaille sur ces crimes en restant au plus près des faits, il décrit méticuleusement le décor du drame. Il utilise l’énigme que représentent ces quatre meurtres sauvages et gratuits pour s’approcher du mystère de l’homme doué de raison et pourtant capable du pire.
Le chef d’œuvre de Truman Capote
De sang-froid : le titre du livre est ambigu. Il fait référence à la fois à l’attitude des deux assassins lors de cette nuit fatale, mais aussi à celle de la société qui les exécute. En avril 1965, Smith et Hickock sont exécutés. Le livre qui est reconnu comme le chef d’œuvre de Truman Capote peut enfin paraître.
L’éditeur Random House publie De sang froid en janvier 1966. Le succès considérable de ce livre qui se vendra à des millions d’exemplaires apporte à Truman Capote tout ce qu’il souhaitait : la fortune, la célébrité et une vie mondaine éclatante. Il organise lui-même le 28 novembre 1966 un événement mondain légendaire, un bal masqué en noir et blanc à l’hôtel Plaza à New-York où se pressent 540 invités triés sur le volet.
L’homme qu’il aurait pu devenir
Truman Capote est alors au sommet de sa gloire, mais jamais plus il n’écrira un texte de cette ampleur. Son biographe, Gerald Clarke, le décrit transformé par ce travail épuisant d’enquêtes et d’écriture et ayant de la difficulté à renouer avec son métier d’écrivain et avec lui-même. Mais la raison principale de cette dépression, de sa chute dans l’alcoolisme et de son manque d’inspiration qui ne le quitteront plus, c’est sa rencontre avec Perry Smith, l’un des deux assassins, qui le touchera profondément. Capote voyait en lui un homme qu’il aurait pu devenir s’il n’avait pas eu la littérature dans sa vie. Ils nouèrent pendant ces années de prison des liens très forts, en passant de longs moments à parler. Au début de 1965, Capote écrit à un de ses amis, lui confiant sa déprime et son épuisement. D’un côté il ne veut pas que Perry soit exécuté, de l’autre, il sait que tant que ce ne sera pas fait, il ne pourra pas terminer ce livre qui l’obsède.