Votez pour cette nouvelle en la partageant sur Facebook et Twitter !
Le lieu pourrait vous surprendre. Il faut que je vous dise ; on vient y désapprendre. Déformer ce qui a été formé. Le processus est simple.
Ici, on emploie son énergie à se défaire des bonnes manières, à perdre ses réflexes. C’est une école pas comme les autres.
N’y entrent que des volontaires. Une lettre de motivation est exigée de chacun. Elle est lue à un jury d’enfants. Quand les arguments sonnent faux, les enfants rient ou pleurent, c’est selon. Si le ton est juste, l’un d’entre eux se lève, prend le nouveau venu par la main et l’emmène découvrir la maison.
Non, tout le monde n’habite pas là. Les enfants vont et viennent. Seuls les élèves ont élu domicile. Le monde extérieur est un bouillon de culture ; mieux vaut l’éviter tant que les plaies ne sont pas cicatrisées. On retombe si facilement dans les bonnes habitudes !
Personne n’est cependant contraint dans ses mouvements. La maison est là, au milieu de la cour de l’école. Elle n’a ni murs, ni portes ni fenêtres. Un simple trait de craie la délimite. Elle est complètement ouverte. On dirait une fête. Une fête que personne n’aurait organisée. Ici, on ne fait pas la fête, c’est elle qui vous construit.
Auparavant, il faut être devenu terrain vague, zone en friche. Avoir écarté les certitudes les unes après les autres.
On oublie d’abord la politesse pour apprendre à accueillir. On ose alors l’égoïsme, on s’aventure à être soi. Délicieux vertige.
La civilisation, la religion, puis l’éducation ont façonné l’être, forgé le caractère. Ce qui a été figé, l’école le remet en question.
Seule une excavation véritable permet de dégager le cœur qui palpite sous les pelures successives.
Jour après jour, chacun œuvre à apporter une réponse aux questions qui l’habitent. Trouver sa propre clef. La tâche est ardue mais nul n’abandonne.
Dépouiller pour parvenir à l’épure. Inlassablement.
La mue est un passage effrayant. On résiste d’abord, s’accrochant aux oripeaux familiers, puis on se souvient du pourquoi de l’épreuve et on accepte de se sentir nu, tel un bernard l’hermite qui aurait abandonné sa coquille trop étroite pour aller vers plus d’espace.
Rebrousser chemin n’aurait aucun sens. La vie est devant. Quitter la périphérie pour nager vers le cœur est grisant. Cela donne la force de continuer, malgré la peur.
Si l’on n’y prend pas garde, c’est elle qui nous gouverne, la peur. Compagne de toujours. Souvenez-vous. Vous venez tout juste de vous arracher à l’utérus maternel. Effaré, déjà vous cherchez à l’extérieur de vous amour et vérité. Depuis, vous déambulez dans l’existence en quête d’un alter ego ou d’un maître. C’est un leurre. Vous seul connaissez le chemin qui remonte à la source.
Je vois bien que cet enseignement vous inspire, ne dites pas le contraire.
Comme je vous comprends ! Je me revois à votre place ; j’étais passée par hasard, j’avais entendu les éclats de la fête… Je suis toujours là.
Il n’y a pas de hasard.
Ne tardez pas davantage, rédigez quelques lignes, sans effort. Racontez votre envie. Venez ensuite la partager. Vous serez bien accueilli et on vous lira volontiers.
Non, je ne serai pas là. Vous ne me verrez plus ici. Demain, je reprendrai la route, le monde m’émerveille* .
Je vais rire à tue-tête et chanter, parler fort ou me taire, montrer du doigt quand il le faudra et ne plus me vexer de rien. Je poursuivrai mon apprentissage, sans attache ni peur.
Un jour, vous me rejoindrez si vous le voulez. N’oubliez pas : c’est une maison au milieu d’une cour d’école ; elle est complètement ouverte. La fête se poursuit ailleurs.
* Merci à Barbara
Ethel
beaucoup aimé ce « cœur qui palmite encore » et qui évoque un monde qui peut sembler à l’envers, alors que c’est plutôt le monde tel qu’il devrait être… pour les plus courageux.