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Chère Mémoire
Je suis seule…
Où suis-je ?
Mes jambes, ma tête me font mal !
Je m’assois, j’effleure le sol, il est glacé.
C’est l’hiver, je le sais. Il a neigé.
On toque à la porte.
« À cette heure-ci ! »
La sombre lumière peine à filtrer sous le volet.
« Depuis quand vient-on alors que je suis tout juste levée ! »
Ma jambe est malade, ma tête raisonne. Je souffre d’amnésie ou attendais-je de la visite ?
« Maman ! » entendis-je me héler.
Bougre de moi, le réveil aurait dû sonner.
Celle qui m’interpelle insiste, rentre en force une clef dans la serrure et la porte s’entrouvre.
Le temps de remettre en ordre mes esprits. Je me souviens que tous les matins, ma dernière, ce doit-être sa semaine, j’ai cinq enfants près de chez moi, vient s’occuper de sa cher mère, un peu vieille et du coup maladroite, et surement atteinte de perte de mémoire.
Chacune de mes journées se ressemble. Je ne peux rien faire toute seule depuis qu’il me faut une assistance quotidienne. Par-dessus un cœur fragile, les médecins me rallongent l’espérance de vie à dix ans, tout au plus. La science avance, mais ma maladie est incurable, pour ne pas dire qu’elle ira en s’aggravant.
Il m’arrive donc, comme aujourd’hui, de croire et de m’alarmer à la sonnerie ou à la venue de n’importe qui.
Je sais que je ne peux rien y faire, je ne mourrais pas non plus de cette fâcheuse amnésie.
Il m’arrive donc, comme hier, de croire et de me réjouir que mon défunt mari soit en mer et qu’il ne tarde pas de rentrer. Ou alors sentir mon ventre s’arrondir, et de ne me doutai que les jumeaux portés seront mort-nés.
Il m’arrivera de pleurer encore lorsque je réalise, face aux regards hagards qui se posent sur moi, que ce n’était qu’un souvenir passager revenant en trombe.
Tout à coup, je répète, j’oublie, je redemande.
Et là, celui ou celle qui me répondent attendent patiemment.
« Je suis concierge ! » dis-je des fois.
« Plus maintenant ! » me répondent-ils, tous ceux qui me voient troquer ma jeunesse contre une pauvre vieillesse.
Je tremble des fois, la voix de ma mère raisonne. Si sévère et empli de mépris à mon égard.
L’enfant se révolte, accuse les coups malmenés et s’enfuit, déguerpit loin, très loin.
Je me soulage lorsque j’oublie ses années et je me console de me souvenir un infime instant…du reste.
Je me perds et je me navre de désespoir au cœur d’un havre de paix inaccoutumé.
L’espace et le temps se mêlent, s’entremêlent, se battent et combattent.
Une guerre sans merci, sauver, guérir, redevenir la femme d’avant, la femme d’hier, celle que je désire revêtir.
Ma fille, mes enfants donnent et m’offrent ou me rendent tout simplement le confort légitime de ma place de mère.
Ils me bordent comme une enfant que je ne suis pas.
C’est remarquable, mais désagréable.
Le nom de ma maladie…je la porte comme un cheveu sur la langue, il est difficile à prononcer, tant à l’accepter : L’Alzheimer en est la cause.
Alors je te demande, à toi ma mémoire, de retenir tout ce que je viens d’écrire. Il se pourrait que dans une heure j’oublie.
Lucia Suschan
ce texte est bien écrit par simple phrase l’échange se fait par l’intermédiaire de la mémoire qui est interrompu par la maladie et aussi l’échange se fait aussi par la présence des enfants et des souvenirs .j’adore
joli texte effectivement l’échange ce fait par la mémoire des un et des autres
ce texte est très bien écrit et surtout très beau. L’échange fait par la mémoire des uns et des autres montre les souvenirs qui s’interrompt brusquement par la maladie mais qui repart de plus belle par la présence d’un enfant ou autre.
Merci vos commentaires m’encouragent.
tres beau texte! il nous temoigne des quelques traces un peu gommees de cette memoire qui s’en va au fil des jours! que c’est triste!
Merci pour ces commentaires encourageants.