En septembre, Lire présentait une critique acide du roman de Max Monnehay, Géographie de la bêtise. Dans le numéro d’octobre du magazine, l’éditeur Seuil répond ouvertement à cette critique par une publicité pour ce même livre…
Comment les éditeurs font-ils face aux articles négatifs des critiques littéraires ? Ils peuvent appeler le rédacteur en chef du journal pour lui demander de passer un savon au journaliste « fautif ». Il peuvent décider de supprimer le budget publicitaire qu’ils allouaient au dit magazine (c’est ce qu’aurait fait Pocket avec le Nouvel Observateur suite à un article dévalorisant sur Marc Lévy et Guillaume Musso). L’éditeur Seuil, lui, a plutôt choisi de miser sur l’humour.
En septembre, Baptiste Liger, journaliste pour Lire, rédige une critique acide du second roman de Max Monnehay, Géographie de la bêtise. Tout est (presque) dit dans l’attaque de l’article : « Certains titres laissent augurer du pire : il en va ainsi de Géographie de la bêtise de Max Monnehay. » La suite de l’article est aussi sévère : « (…) la narration (…) patine et l’intrigue ne décolle jamais. Loin du « style acéré » vanté par l’éditeur, on déplore surtout une logorrhée pataude, oscillant entre un art pseudo-audiardien et une écriture calibrée pour les gazettes people. » Voilà Max Monnehay habillée pour l’hiver…
Pied de nez
Manque de chance, son éditeur a prévu de longue date une insertion publicitaire dans le numéro d’octobre de Lire pour présenter le roman. Que faut-il faire alors ? Soutenir son auteure ou dédier cette publicité à un autre écrivain de la maison ? Mais le roman de Max Monnehay n’a bénéficié que d’un autre encart publicitaire dans Le Monde du 7 septembre. Donc Seuil maintient sa publicité, mais décide d’en changer un peu le contenu. Aux photos de la romancière et de son roman s’ajoute alors cette phrase : « L’un des romans que la rédaction de Lire n’a pas aimé (mais que l’éditeur soutient résolument) ». Un pied de nez à la critique du mois précédent ! Selon Seuil, c’est Olivier Bétourné, le PDG, qui a lui-même eu l’idée. Une idée soutenue par l’éditeur Frédéric Mora, mais accueillie de façon un peu frileuse par le service marketing.
Précédents médiatiques
Il faut dire que depuis le lancement de son roman, Max Monnehay fait les frais de son intervention dans la très remarquée émission Strip-Tease consacrée à Gilles Cohen-Solal des éditions Héloïse d’Ormesson et diffusée en juillet 2009 par France 3. Visiblement, depuis trois ans, personne n’a oublié cette émission, et certains s’amusent à ressortir l’épisode de la scène au restaurant. Ces articles jugés « injustes » passent mal du côté du Seuil. « J’ai toujours considéré que les critiques étaient libres, déclare Frédéric Mora, l’éditeur du Seuil. Mais qu’ils fassent leurs articles au regard du texte et non pas des précédents médiatiques. » Mais dans l’article de Lire, le journaliste Baptiste Liger ne fait absolument aucune allusion aux démêlés de l’auteure. Alors que pense-t-il de la réplique du Seuil ? « Je trouve cela plutôt drôle, reconnaît-il. Mais également problématique à plusieurs titres. D’une part, je perçois malgré tout un peu d’aigreur de la part de l’éditeur et d’autre part, il me semble que cette stratégie n’est pas forcément la bonne. En effet, elle risque de rappeler aux lecteurs le contenu de la critique publiée et de la renforcer. » Selon Seuil, François Busnel, le directeur de la rédaction de Lire, a salué l’audace de la maison d’édition.
Personnellement, ce qui me chagrine un poil, c’est l’absence de « s » à « aimé ». Je sais que techniquement, on pourra toujours rétorquer que c’est l’un des livres seulement qui n’a pas été aimé, mais le sens de la phrase n’en est pas moins clair : le livre de cette pauvre fille n’est que l’un parmi tous les livres que Lire n’a pas aimés.