Depuis qu’elle a fondé sa maison d’édition en 2001, Sabine Wespieser la gère d’une main de fer, en endossant – presque – tous les rôles. Un choix totalement assumé.
« Il y a un peu de turnover dans ma maison, car je prends beaucoup de place. » Qu’on se le dise, Sabine Wespieser est une femme qui en impose. A la tête de sa propre maison d’édition depuis dix ans, cette ancienne de chez Actes Sud n’est pas du genre à se laisser marcher sur les pieds. Véritable chef d’orchestre, c’est elle qui « supervise et donne le la », avec une idée bien précise de ce qu’elle veut. Très présente, elle avoue « [suivre] tous les maillons de la chaîne » et préférer « monter au front directement » quand il s’agit des relations librairies.
« Pas d’état d’âme sur la gestion »
Et en ce qui concerne le choix des livres, c’est bien évidemment chasse gardée : « J’ai créé cette maison car j’avais envie de porter deux casquettes : rester l’editor que j’étais chez Actes Sud, c’est-à-dire proche des textes, les lire et relire, les travailler, et le publisher, qui publie les livres et les porte auprès de la presse, des libraires, et surtout des lecteurs. » Résultat, quand un de ses salariés a l’outrecuidance de dire qu’il veut choisir des textes, la réponse fuse : « Je lui montre un des livres et je lui dis : ″Tu vois, ce nom-là, tu peux faire pareil avec le tien.″ » Avant de compléter, histoire d’enfoncer le clou : « Je n’ai pas d’état d’âme sur la gestion. »
Une fois que l’on a dit tout cela, que se passe-t-il ensuite ? Si Sabine Wespieser est une chef d’entreprise autoritaire, c’est aussi une éditrice, exigeante et passionnée. « Lorsque je sens la nécessité d’un ouvrage, je me dois de faire passer cette parole », argumente celle qui avoue avoir affiné son goût depuis ses débuts. « Il y a des textes que j’ai publiés il y a dix ans que je ne publierais plus maintenant. Non parce que je pense qu’ils ne se vendraient pas – cela ne m’a jamais arrêtée –, mais parce que je les lis autrement, raconte-t-elle. Le fait d’avoir appris à défendre un texte, en prise directe sur le réel, me fait entendre les fausses notes beaucoup mieux qu’il y a dix ans. »
« Faire rendre à chacun des romans le son le plus plein possible »
Cette exigence explique aussi pourquoi, en dix ans, les éditions Wespieser n’ont publié que 100 titres – celui-ci est prévu pour septembre. Alors que la maison s’apprête à franchir ce cap symbolique, sa fondatrice n’entend pas changer de ligne directrice : 10 à 12 livres par an, cela restera le maximum. « J’estime que nous avons atteint notre poids de forme (…). Je vais rester sur ce pari, en essayant de faire rendre à chacun des romans le son le plus plein possible », promet-elle.
Le développement de la filière numérique, lui, attendra. Et un bon moment semble-t-il. « Le jour où il y aura un marché, je m’adapterai. Mais pour le moment, je suis éditrice de livres papier, tranche Sabine Wespieser. Je pense que notre responsabilité est de nous occuper des textes qui sont en librairie aujourd’hui, des auteurs qui sont en train d’écrire aujourd’hui, des libraires qui sont en train de vendre du livre papier aujourd’hui. » Vous avez dit déterminée ?
(d’après Livres Hebdo)