De plus en plus de romanciers américains écrivent pour des séries télé. De l’argument financier à la défense de l’art du roman, leurs motivations sont multiples.
« [La série télé] est le meilleur moyen de communiquer des idées et de raconter des histoires. » La sentence, définitive, n’est pas l’œuvre d’un producteur du petit écran, mais d’un écrivain. Et pas n’importe lequel : Salman Rushdie. L’auteur des Versets sataniques (1988) est d’ailleurs devenu le symbole d’un mouvement qui s’est enclenché depuis quelques années, au moins aux Etats-Unis : la « migration » des écrivains, de l’écriture romanesque à l’écriture pour la télévision.
« Plus de temps pour développer une histoire »
À côté de Salman Rushdie, qui prépare une série de science-fiction, The Next People, ils sont en effet de plus en plus d’auteurs à écrire pour la petite lucarne. Il y avait déjà eu Michael Crichton (Urgences, 1994-2009) et Stephen King (Kingdom Hospital en 2004, Haven en 2010), il y a maintenant Jonathan Franzen (l’auteur de Freedom), Michael Chabon et, peut-être bientôt, Jay McInerney.
Mais qu’est-ce qui pousse les écrivains à écrire pour la télévision ? Selon Michel Schneider, dans Le Point, il y a notamment « la promesse de droits d’auteur à sept chiffres ». Comprenez : de meilleurs revenus que dans le monde de l’édition papier. Bien évidemment, l’argument n’est pas celui qui est mis en avant par ceux qui sautent le pas. Pour Jonathan Franzen par exemple, qui va lui-même adapter son roman Corrections en série télévisée, c’est avant tout la possibilité d’avoir « plus de temps pour développer une histoire ».
Créativité plus restreinte ?
L’auteur estime néanmoins que la créativité, elle, est plus restreinte. Moins qu’au cinéma, mais plus que pour un roman. « Le scénariste de télévision n’a pas grand-chose à explorer. Les séries sont des machines collectives, avec des équipes nombreuses et changeantes qui écrivent des segments entre lesquels le producteur choisit, résume-t-il. Je veux bien être dans une équipe si j’en suis le chef. [Mais] j’ai plus de chances de devenir secrétaire d’Etat à la Défense que d’avoir un rôle artistique dans une série. »
Alors pourquoi ne pas simplement continuer à écrire des romans ? « Parce que, quand on rentre chez soi le cerveau recâblé par le travail, lire un livre de 300 pages est la dernière chose à faire. [Les séries télé] offrent une puissance de récit que nous, romanciers, n’atteignons pas », réplique Gary Shteyngart. Surtout, avance Jennifer Egan, cela permet de faire évoluer l’art du roman. Une manière de prolonger son existence, alors qu’on annonce sa mort à intervalle régulier.
(d’après Le Point)