Une nouvelle chronique d’écriture de Frédérique Martin, auteur de romans et de nouvelles. Pour la rentrée littéraire de 2012, elle a publié un roman chez Belfond : Le vase où meurt cette verveine. Le roman a obtenu le Grand Prix Littéraire de Villepreux et fait partie de la sélection Talents à découvrir de Cultura. À tes souhaits,est une nouvelle pour adolescents, qu’elle a publiée dans un collectif chez Thierry Magnier : Comme chiens et chats : histoires de frères et sœurs. En 2011 est également paru Le fils prodigue aux éditions de l’Atelier in8.
Chaque mois, retrouvez sur enviedecrire.com, une chronique de Frédérique Martin qui nous parle de cet acte créateur qu’est l’écriture.
Le roman le plus ambitieux, les trilogies comme les sagas, le poème, la nouvelle, l’essai… toutes les formes que peut prendre un livre ont un dénominateur commun : elles débutent par une phrase. D’où vient-elle, comment ce fragment conduit-il à dérouler un texte entier, c’est le mystère de la cuisine interne de chaque auteur. Mais il y a incontestablement des phrases dont on sait qu’elles seront premières, qui servent de déclencheur, qui ouvrent des possibles.
Penser, c’est résister
Comme je le disais dans les premières pages de cette réflexion autour de l’écriture, il faut savoir débuter, quitter le monde illusoire du fantasme – un jour je serai écrivain – et poser un premier pas dans le vide – j’écris. Oui, mais j’écris quoi ? De nos jours, le roman semble être la seule forme qui puisse avoir droit de cité, la seule qui serait économiquement viable et littérairement reconnue, voire recevable. Certes, le poème est à la pointe de l’expression écrite, l’essai révèle la capacité d’abstraction d’une pensée, la nouvelle est l’art de la fulgurance… et cætera. Mais essayez de trouver un éditeur qui vous suive sur ce chemin, et vous verrez comme le terrain est pentu. La lecture de la presse finira de vous informer sur la place qui est faite à ces ersatz de littérature. Aujourd’hui l’écrivain est romancier, ou il n’est point !
Pourquoi tant d’auteurs s’obstinent-ils donc à un travail protéiforme en écrivant des livres qu’ils auront le plus grand mal à publier, qui ne leur rapporteront pas d’argent quand ils ne leur créeront pas des ennuis supplémentaires ? Pourquoi des éditeurs se démènent-ils encore pour faire vivre des maisons menacées de banqueroute à force de donner la part belle aux formes que d’autres dédaignent ? Peut-être parce que penser, c’est résister et ne pas faire là où on vous dit de faire. A cause d’une nécessité supérieure, une exigence à explorer tout ce que l’écriture – et la lecture – met à notre disposition pour bâtir une œuvre plutôt qu’une réputation.
Comment vient le texte ?
La forme est au service du fond. Si je m’en tiens encore une fois à mon expérience, le poème m’est donné, il arrive sans s’annoncer, il s’impose, il est imprévisible. La nouvelle se présente le plus souvent avec sa chute. Des éléments s’imbriquent soudainement, d’une manière quasi parfaite que je peux résumer de cette manière : « C’est l’histoire d’une femme/d’un homme qui… et à la fin, on découvre que… » Là, c’est le signe que je suis devant une nouvelle. Le roman suppose un projet plus vaste, des notes, parfois des recherches, un thème ou des thèmes que l’on souhaite creuser, de la matière. Ce sont les personnages qui m’apparaissent en premier. J’ignore ce qu’ils veulent, où ils vont aller, jusqu’où je vais pouvoir les suivre, ni même s’ils en valent la peine. Je les porte parfois des années avant de pouvoir écrire, ils me deviennent familiers, ils finissent par faire partie de ma famille.
Pour ce qui est des articles, du livre sur l’usine Job ou encore du texte ici présent, ils sont la conséquence d’une contrainte, la commande. C’est parce qu’on me demande d’écrire sur un sujet en particulier qu’ils arrivent à faire leur chemin. Et ceci est possible à une condition, que quelque chose en lien avec le sujet traité préexiste en moi, même à mon insu.
Comment vous définir ?
On voit la diversité de travail et d’expérimentations possibles à travers l’écriture. Au nom de quel diktat devrait-on se détourner de la profusion pour aller s’éreinter dans une seule forme qui fera perdre toutes les autres et les possibles qui y sont rattachés ? La pensée n’est pas linéaire, la vie non plus, la littérature n’a pas à l’être d’avantage. Sans oublier que passer d’une écriture à l’autre laisse le temps de se nourrir entre deux romans ou deux recueils, évite la répétition ad nauseam de soi-même, repousse nos limites et nous confronte à cet inconfortable : de quoi suis-je donc capable ?
Parfois, lors de présentations publiques, on me dit : « Frédérique Martin, vous êtes romancière, nouvelliste, poète, mais vous avez aussi écrit ceci ou cela, pour des jeunes, pour des adultes… on ne sait pas comment vous classer ou vous présenter ».
Tant mieux, c’est tout ce que j’ai à répondre, votre honneur.
Je partage totalement les mêmes points de vue.
J’aime aussi diversifier les formes d’écriture que je considère comme des chantiers : petits et brefs pour la poésie, moyens pour les nouvelles, et longs pour les romans et essais (dont j’ai toujours plusieurs en cours).
Et quel enrichissement de varier aussi les sujets.
Merci pour cet article.
Amicalement
Gisèle Meunier
je partage les mêmes ponts de vue.
j’aime aussi les formes d’écritures que je considère comme enrichissement de l’esprit.
pour moi, le résumé reste comme suis…l’écrivain n’est pas une personne mais plusieurs personnes, qui essaient de n’en faire qu’un seul.
merci pour cette article.
bonne journée.
lembree pascal.
Merci à vous Gisèle et Pascal pour votre lecture et ce retour.
Bonjour,
J’écris des histoires jeunesse, des poèmes et des nouvelles. Passer de l’écriture jeunesse à l’écriture de nouvelles pour un public plus avancé est un éternel grand écart que j’adore ! Moi aussi, j’aime cette gymnastique qui me permet de ne pas rester dans une même écriture. Non aux étiquettes, pourquoi se cantonner à une seule écriture ? La diversité des formes révèle l’écriture.