Le futur du livre est l’objet de nombreuses discussions dernièrement. Certains en parlent avec des chiffres. D’autres avec humour.
En 2020, tous les livres seront interactifs et plurimédias.
On y trouvera de la musique, des images en 3D et des vidéos en streaming. Ils seront enrichis par différentes applications : site de réseau social, site de rencontres en ligne et géolocalisation (des alertes vous seront envoyées quand un habitant de votre ville achète le même livre que vous). Bref, le livre comportera tout et n’importe quoi, et surtout ce qui est inutile. Les auteurs feront leur propre promotion, les lecteurs seront responsables de leur distribution. La sagesse populaire sera chargée de la publication, et la main invisible du marché sera la plume qui écrit les livres. Il y aura deux catégories d’écrivains : les « résauteurs » et les électrons « livres ».
En 2030, tous les livres seront écrits de manière collaborative, à partir des nuages de tags.
Les romanciers commenceront par créer leurs personnages sous forme de figurines en vynil. Si celles-ci font le buzz, ce sont les fans qui écriront le roman tous ensemble. Quand vous lirez le livre, des caméras thermiques mesureront vos signaux physiologiques (vos battements de cil, votre fréquence cardiaque et les contractions des muscles de votre visage). Ceux-ci permettront de déterminer quel tour vous souhaitez que l’intrigue prenne. Le livre vous fera la lecture. Vous pourrez aussi choisir l’apparence physique des personnages, leur tirer dessus ou… tirer un cyber-coup avec eux. Si un romancier est découvert après sa mort, ses figurines en vynil deviendront peut-être des objets collector.
En 2040, les auteurs seront comme des Tamagotchis.
Après avoir réalisé que ce que veulent les lecteurs, c’est être « en connexion » avec leurs auteurs, les éditeurs lanceront une campagne d’adoption des écrivains. Ces derniers seront présentés comme des Tamagotchis et tous ces animaux virtuels. Vous « nourrirez » vos auteurs favoris en achetant leurs livres, ce qui rendra leurs avatars en ligne moins pâles et moins grognons. S’ils meurent de faim pendant votre tour de garde, vous perdrez des points de réseautage. Les clubs de lecture cultiveront avec leurs auteurs les mêmes liens que ceux d’un entraîneur avec son Pokémon. Des faux combats à mort seront organisés entre clubs de lecture concurrents. Ils se dérouleront dans les librairies. Car, oui, il en restera quelques unes, et il faudra bien qu’elles servent à quelque chose…
En 2050, les sensations éprouvées quand on lit un livre papier seront reproduites en simulation virtuelle.
Comme les gens passeront leur temps à jouer en réseau, ils auront besoin de prendre des pauses. Les mondes de réalité virtuelle intégreront donc des « bibliothèques » cachées où vous pourrez vous enfermer. Là, vous pourrez prendre un bain virtuel et tourner les pages d’un livre au format papier – objets qui auront été interdits dans le vrai monde. La reproduction sera tellement parfaite que vous pourrez retrouver la douce sensation du papier sous vos doigts, les craquements de la reliure et même les coupures provoquées par les pages. D’ici à 2052, 95 % de l’activité de 73 % des joueurs en réseau se déroulera dans ces bibliothèques secrètes. Eh oui, elles seront devenues les seuls endroits où vous pourrez échapper au phénomène de socialisation incessante qui aura envahi le monde réel.
En 2060, les livres papier feront leur retour.
Comme les contenus imprimés seront devenus une denrée rare, l’archipel de l’antiquaire deviendra l’émission d’information et de divertissement la plus populaire. On y verra des archivistes se télétransporter d’île en île à la recherche de ces perles rares. Au même moment, on continuera à imprimer de nouveaux livres, qu’on fera passer pour des trésors lors des foires aux livres et autres manifestations nostalgiques, comme les reconstitutions historiques. Les derniers bibliophiles traverseront la ville avec stupéfaction, se demandant où sont passées les librairies. La connaissance humaine sera encodée dans une puce électronique, qui sera envoyée dans l’espace par des collégiens. Une énième manigance pour ne pas avoir à faire leurs devoirs !
En 2070, nous seront tous devenus des cyborgs.
Nos cerveaux seront rattachés à des ordinateurs. Des électrodes y seront implantées, qui nous diffuseront sans interruption – et sans intervention d’un tiers – des histoires. En conséquence, les « lecteurs » du futur passeront le plus clair de leur temps dans un état épileptique. Des intelligences artificielles manipuleront les esprits de telle sorte que chaque épisode de transe devienne suffisamment populaire pour être classé en tête de toutes les plateformes de contenus. Des nanorobots circulant dans notre sang nous diront comment nous comporter, ce qui conduira finalement à la destruction de toute réflexion personnelle et à la mort de nombres de nos descendants par des virus de l’esprit.
En 2080, nous atteindrons à l’âge d’or de la fluidité informationnelle.
Les livres ne seront plus disponibles que sous forme de lignes de parfums. Ce qui fera plaisir à ceux qui estiment que l’odeur d’un livre prime sur son contenu. Résultat, les humains se transformeront en une espèce dotée d’un sens olfactif hyper-développé, capable de lire sous l’eau en décryptant des chaînes de phéromones. Les livres ne seront plus que des récits épiques spécialement créés pour nos nouveaux récepteurs et ce sera le triomphe de l’aroma-bibliographie. Cette dernière transformera la montée des mers en un bain gigantesque de contenu communautaire plurimédias. Ce sera aussi l’époque où le langage des dauphins sera décrypté. On se rendra compte alors que leur littérature, de manière inexplicable, parle essentiellement de vampires.
(d’après mcsweeneys.net)
effroyablement humoristique! après la science-fiction, voici la littéra-fiction….