L’écrivaine canadienne Alice Munro (82 ans) a remporté le prix Nobel de la littérature 2013. Elle est l’auteure de quatorze recueils de nouvelles et d’un unique roman, traduits et vendus dans le monde entier. Elle a également obtenu le Man Booker Prize en 2009. Alice Munro avait annoncé en juin 2013 qu’elle arrêtait d’écrire.
Qu’est-ce qui vous attire dans les nouvelles par opposition aux romans ? Qu’est ce que la forme courte permet qu’un roman ne permet peut-être pas ?
J’ai l’impression d’écrire des histoires qui ne respectent pas la discipline inhérente à la nouvelle et n’obéissent pas non plus au lois de progression du roman. Je ne pense pas à une forme en particulier, je pense plus en terme de fiction, disons un morceau de fiction. Qu’est-ce que je veux faire ? Je veux raconter une histoire – d’une façon démodée – ce qu’il arrive à quelqu’un. Mais je veux que « ce qui arrive » soit livré avec un peu d’interruption, de retournements et d’étrangeté. Je veux que le lecteur sente quelque chose de surprenant, pas « ce qui arrive », mais la façon dont tout cela arrive. Selon moi, la meilleure façon de rendre cela est la forme de la nouvelle longue.
Où trouvez-vous les idées pour une histoire ou un personnage ?
Parfois je trouve le début d’une histoire à partir d’un souvenir, d’une anecdote mais cela se perd et n’est en général pas identifiable dans l’histoire finale. Supposez que vous avez le souvenir d’une jeune femme descendant du train dans une tenue tellement élégante que sa famille est visiblement jalouse et ressent le besoin de la dévaloriser. Cela m’est arrivé une fois et c’est devenu l’histoire d’une femme se remettant d’une dépression nerveuse qui retrouve son mari, sa belle-mère et l’infirmière de la belle-mère dont le mari ne sait pas qu’il est encore amoureux. Comment j’en suis arrivée là ? Je n’en sais rien.
De nombreux critiques littéraires font l’éloge de votre capacité à créer une vie entière en une page. Comment réussissez-vous cet exploit ?
J’ai toujours besoin de connaître mes personnages en profondeur : quels vêtements ils auraient choisis, comment ils étaient à l’école etc… Et je sais ce qui se passe avant et ce qui arrivera après la partie de leur vie que j’expose. Je ne peux pas me limiter à les voir maintenant pleins de stress du moment. Je suppose que je veux donner le plus possible d’eux.
Quel conseil donneriez-vous à de jeunes auteurs ?
Chacun d’entre eux est différent. Si vous dites « lisez », l’auteur peut lire trop et être paralysé. Si vous dites « ne lisez pas, ne pensez pas, écrivez seulement » le résultat peut être une montagne de radotage. Si vous devenez un écrivain, vous allez sans doute souvent prendre de mauvais virages et puis un jour vous finirez pas écrire quelque chose que vous devez écrire, et puis l’améliorer encore et encore juste parce que vous voulez que ce texte soit meilleur. Et même quand vous serez vieux et que vous penserez « les autres gens doivent faire autre chose » vous ne serez plus vraiment en mesure d’arrêter
(source : bookbrowse.com )