Herta Müller est une romancière allemande d’origine roumaine. Elle a obtenu le prix Nobel de littérature en 2009 pour l’ensemble de son œuvre « qui, avec la concentration de la poésie et l’objectivité de la prose, dépeint les paysages de l’abandon. »
Relisez-vous votre texte à voix haute ?
Systématiquement. D’abord pour la musicalité, car si les mots sonnent faux, la phrase est à revoir. Je vérifie toujours le rythme, qui est pour moi le seul moyen d’entendre la justesse des mots. Ensuite, je relis à voix haute pour m’assurer de la précision du texte. Ce qui est étrange, c’est que plus il est irréel, plus il doit correspondre à la réalité. Tout doit être millimétré pour que le roman fonctionne. Sans cela, il est inutilisable. Finalement, ce type d’oeuvre doit être à l’épreuve de la réalité et construit selon sa structure.
Comment travaillez-vous vos manuscrits ?
Je travaille très doucement, car j’aborde le texte de multiples manières. J’écris chacun de mes livres vingt fois ! Les premiers jets sont toujours superficiels. Puis, lorsque j’avance véritablement, que le livre est en moi, je coupe un tiers de mon travail parce que je n’en ai plus besoin. Mais je reviens souvent à la première version, car elle est la plus authentique et que tout le reste est finalement peu satisfaisant.
Quel est votre rapport au langage ?
Il me désespère ! Il est si différent de la vie. Comment suis-je censée relier deux idées, les fusionner ? Je dois tout séparer. J’observe la réalité, que je démolis complètement ensuite. J’utilise alors le langage pour créer quelque chose d’entièrement différent. Si je suis chanceuse, ce langage rejoint la réalité. C’est effrayant d’écrire : le langage me porte, mais il blesse parfois. J’angoisse souvent devant cette responsabilité de créer par les mots. Heureusement, il y a le silence.
En quoi le silence est-il si important ?
Il représente la moitié du sens : il y a ce qui est dit, et ce qui est induit. C’est une forme de communication. En effet, nous faisons toujours le tri dans nos mots. Pourquoi disons-nous telle chose et pas l’autre ? Qu’importe ce que nous communiquons, il y a toujours plus de non-dits que de paroles. Cela ne signifie pas que nous faisons des cachotteries, c’est simplement un procédé instinctif. Cette sélection des mots varie d’une personne à l’autre. Ainsi, peu importe que beaucoup de gens décrivent la même chose : les descriptions et les points de vues sont toujours différents.
Vous utilisez une ponctuation minimale. Pourquoi ?
Les phrases n’ont pas besoin de points d’exclamations ou d’interrogations. Tout est clair grâce à votre écriture, la syntaxe parle pour elle-même. Pour moi, la ponctuation ne fait qu’apporter du désordre inutile. Cela vaut également pour les tirets utilisés lors des dialogues ! Ils alourdissent le texte, alors qu’une conversation peut se reconnaître sans eux.
(Source : The Paris Review ; Crédit photo : Boersenblatt)
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