Les secrets d’écrivain de Marguerite Duras

Marguerite Duras, nom de plume de Marguerite Germaine Marie Donnadieu, est une écrivaine, dramaturge, scénariste et réalisatrice française, née en 1914 près de Saïgon et décédée en 1996 à Paris. En 1950, elle est révélée par un roman d’inspiration autobiographique, Un barrage contre le Pacifique. elle publie ensuite régulièrement des romans qui font connaître sa voix particulière avec la déstructuration des phrases, des personnages, de l’action et du temps, et ses thèmes comme l’attente, l’amour, la sensualité féminine ou l’alcool. Elle rencontre un immense succès public avec L’Amant, Prix Goncourt en 1984.

« Ecrire, c’était ça la seule chose qui peuplait ma vie et l’enchantait. Je l’ai fait. L’écriture ne m’a jamais quittée. »

« C’est curieux un écrivain. C’est une contradiction et aussi un non-sens. Ecrire c’est aussi ne pas parler. C’est se taire. C’est hurler sans bruit. C’est reposant un écrivain, souvent, ça écoute beaucoup. Ça ne parle pas beaucoup parce que c’est impossible de parler à quelqu’un d’un livre qu’on a écrit et surtout d’un livre qu’on est en train d’écrire. C’est impossible. »

« Si je n’avais pas écrit, je serais devenue une incurable de l’alcool. C’est un état pratique d’être perdu sans plus pouvoir écrire… C’est là qu’on boit. Du moment qu’on est perdu et qu’on n’a donc plus rien à écrire, à perdre, on écrit. Tandis que le livre il est là et qu’il crie qu’il exige d’être terminé, on écrit. On est obligé de se mettre à son rang. C’est impossible de jeter un livre pour toujours avant qu’il ne soit tout à fait écrit – c’est-à-dire : seul et libre de vous qui l’avez écrit. C’est aussi insupportable qu’un crime. Je ne crois pas les gens qui disent : « J’ai déchiré mon manuscrit, j’ai tout jeté. » Je n’y crois pas. Ou bien ça n’existait pas pour les autres, ce qui était écrit, ou bien ce n’était pas un livre. Et quand ce n’est pas un livre, on le sait toujours. »

« Si on savait quelque chose de ce qu’on va écrire, avant de le faire, avant d’écrire, on n’écrirait jamais. Ce ne serait pas la peine. Ecrire c’est tenter de savoir ce qu’on écrirait si on écrivait – on ne le sait qu’après – avant, c’est la question la plus dangereuse que l’on puisse se poser. Mais c’est la plus courante aussi. »

C’est quoi « du Duras » ?
C’est laisser le mot venir quand il vient, l’attraper comme il vient, à sa place de départ, ou ailleurs, quand il passe. Et vite, vite écrire, qu’on n’oublie pas comment c’est arrivé vers soi. J’ai appelé ça «littérature d’urgence». Je continue à avancer, je ne trahis pas l’ordre naturel de la phrase. C’est peut-être ça le plus difficile, de se laisser faire. Laisser souffler le vent du livre. Vous savez, L’Amant, ça a tout emporté. La Pluie d’été, ça a été un peu ça aussi.

Vous réécrivez, vous ne retravaillez pas ?
Si, je retravaille. Je change l’ordre des phrases, pas les phrases elles-mêmes. À un moment, en décrivant la mère, dans La Pluie d’été, je dis : «Elle a un teint de Pologne». Une seconde avant de l’écrire, je ne savais pas que j’étais capable de trouver cette expression : «Un teint de Pologne». Ç’aurait pu être le titre de La Pluie d’été.

Il n’y a pas parfois des images que vous retrouvez par la suite en vous demandant à quoi elles correspondent ?
Parfois, je ne comprends pas ce que j’ai fait. Un livre, ça peut se poursuivre la vie entière. Ça m’est difficile de me dire que le livre est fini. Quand on finit un livre c’est toujours un abandon. Les dernières pages de La Pluie d’été je les ai faites en deux jours, parce que je ne pouvais pas arriver à quitter ces gens. Je les ai écrites en pleurant.

Photo : ©Roger-Viollet/Boris Lipnitzki/Gallimard
Ecrire, de Marguerite Duras (Gallimard, 1993)
Entretien avec Marguerite Duras datant de 1990 dans Le Magazine Littéraire

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One Reply to “Les secrets d’écrivain de Marguerite Duras”

  1. Que j’aime ce « Ecrire c’est tenter de savoir ce qu’on écrirait si on écrivait » ! On peut planifier certaines choses lorsqu’on travaille sur un projet d’écriture mais il y a tant de surprises qui nous attendent en cours d’écriture. C’est grisant !

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