Jean-Christophe Rufin, médecin, écrivain, académicien et diplomate français a obtenu le prix Goncourt du premier roman en 1997 avec L’Abyssin, puis le prix Goncourt en 2001 pour Rouge Brésil. Il explique sa relation à l’écriture.
« J’ai toujours eu envie d’écrire, mais le fait d’être élevé dès l’âge de 10 ans par une mère seule à une époque où cela n’était pas évident a bien sûr ralenti les choses. La vie de ma pauvre mère fut très dure et elle l’a payé cher car elle est morte jeune. Je ne me voyais pas lui expliquer que j’allais être écrivain et vivre de l’air du temps en profitant éventuellement de ce qu’elle me donnerait. Il fallait que je travaille. J’ai choisi la médecine parce que c’était un domaine dans lequel j’étais sûr de trouver très rapidement du travail. J’ai d’ailleurs commencé très jeune : j’ai touché mon premier salaire à 23 ans, d’abord en faisant des remplacements d’infirmier puis de médecin. Je pense que si j’avais vraiment eu le choix et la possibilité de ne rien faire, à part écrire bien sûr, j’aurais peut-être choisi cette voie – mais finalement aujourd’hui, je ne regrette rien. Pour écrire, il est indispensable d’avoir vécu au préalable, d’avoir accumulé des expériences. »
Après le succès de Rouge Brésil qui a obtenu le prix Goncourt, « J’ai toujours voulu conserver une autre activité, car c’est de celle-là que je tire la vie et la matière pour écrire. Ce qui change, c’est que maintenant j’ai accumulé toute une série d’expériences donc je n’ai plus besoin d’avoir un métier identifié à côté. En revanche, ces vingt dernières années, je me suis toujours partagé entre l’écriture et l’action. C’est comme cela que je me suis retrouvé ambassadeur par exemple. Je n’avais aucune raison d’accepter ni de me lancer dans quelque chose qui visiblement allait être compliqué et où il y avait beaucoup de coups à prendre. Cependant, cela me plaisait bien car je me disais que j’allais pénétrer dans des lieux et des milieux qui me donneraient accès à un univers que je ne connaissais pas – qu’il y aurait des portraits, des paysages et des émotions que je tirerais de là et que je mettrais dans mes livres. »
Au point de départ de mes romans, « Il y a toujours une sorte de cristal, de couleur qui déclenche une histoire. Par exemple, pour Rouge Brésil, c’est une image que j’avais trouvée dans un récit sur l’expédition de Villegagnon. Un survivant avait raconté que l’explorateur vivait entouré d’Écossais. Il y en avait un qui jouait de la cornemuse, et les autres en avaient assez d’entendre cette musique. Du coup, quand ils sont arrivés à Rio, ils l’ont envoyé jouer à l’autre bout de la plage. Or, dans la baie de Rio, il y avait une baleine échouée sur le sable. Alors, le joueur de cornemuse montait sur la baleine, regardait les nuages qui passaient au loin et cela lui rappelait son pays natal. Tout le livre vient de cette image, qui tient en deux lignes dans le récit du survivant. »
« J’écris très vite, en deux mois maximum, et de préférence l’hiver quand il ne fait pas beau et que je ne peux pas sortir marcher en montagne ou faire du sport. Généralement, je rédige à la main. La seule exception fut Le collier rouge que j’ai écrit en dix jours sur mon iPad pour l’envoyer au plus vite à mon éditeur. En fait, l’ami qui m’avait raconté l’histoire de son grand-père (ndlr : le personnage de Jacques Morlac dans le roman Les sept mariages d’Edgar et Ludmilla) était sur le point de mourir et je voulais qu’il puisse le lire avant de partir. Malheureusement, ce ne fut pas le cas. »
(crédit photo : Claude Truong-Ngoc / Wikimedia Commons)
Lisez l’interview complète de Jean-Christophe Rufin parue sur le site de Payot Libraire
Merci pour cet extrait passionnant.
J’ai trouvé cette phrase très inspirante : « Au point de départ de mes romans, il y a toujours une sorte de cristal, de couleur qui déclenche une histoire »
Chaque écrivain doit distinguer la couleur de son écriture, et du roman qu’il est en train d’écrire. Cela me parle.
A méditer