La célèbre maison d’édition a 100 ans cette année. Mais son histoire n’est pas faite que de succès. Elle compte aussi des loupés magistraux… rattrapés par la suite (pour certains). Quelques exemples de « Galliratages ».
Qui a refusé Marcel Proust ? Les éditions Gallimard. Qui a jugé que le style de Julien Gracq était « entortillé » ? Encore Gallimard. Et qui a estimé que Ulysses, de James Joyce, n’était qu’un « vain bavardage » ? Encore et toujours Gallimard.
- Marcel Proust retoqué pour… une interminable description
En 1912, Marcel Proust dépose le manuscrit de Du côté de chez Swann à la Nouvelle revue française (NRF), maison d’édition fondée l’année précédente par Gaston Gallimard. Le comité de lecture l’inspecte. André Gide l’ouvre à la page 62. S’y trouve l’interminable description d’une infusion au tilleul. Et, deux pages plus loin, celle de « tante Léonie » et de ses vertèbres au front.
André Gide referme le livre et le refuse poliment. Avant, quelques temps plus tard, de se confondre en excuses dans une lettre à Proust : « Le refus de ce livre restera la plus grave erreur de la NRF », avoue-t-il. Gaston Gallimard fait alors plusieurs propositions. Marcel Proust, qui veut se consacrer à son œuvre, finit par céder. A la recherche du temps perdu paraîtra intégralement chez Gallimard.
- Julien Gracq, décision sans appel… ou presque
Quand le comité de lecture de Gallimard s’empare de Au château d’Argol, de Julien Gracq, la conclusion est cinglante : « Les phrases sont entortillées et il met une page à dire » ce qui pourrait l’être « en trois lignes ». On ajoute même, pour faire bonne mesure, « terriblement ennuyeux, inutile ».
Nous sommes alors en 1938. Dès 1943, la maison d’édition change son fusil d’épaule. Les critiques acerbes se transforment en témoignages d’adoration. Rien n’y fait. Julien Gracq ne cédera qu’en 1989. Il faut dire que la collection de la Pléiade ne se refuse pas…
- James Joyce, hélas pour Ulysse…
Février 1922. James Joyce, auteur irlandais, est installé à Paris depuis près de deux ans. Il vient d’y finir son œuvre du moment. Ulysses paraît, en anglais, aux éditions – françaises – Aux amis du livre, dirigées par Adrienne Monnier.
Valery Larbaud, auteur Gallimard, repère l’ouvrage. Il lance une traduction en français, la supervise et tente de la faire éditer par Gallimard. Jacques Rivière, membre influent du comité de lecture, s’y oppose. Paul Claudel aussi.
Gaston Gallimard réalise rapidement son erreur. Il tente à de nombreuses reprises de racheter les droits de Ulysse auprès d’Adrienne Monnier. Celle-ci refuse et publie la traduction française (en 1929). Mais, empêtrée dans des difficultés financières, l’éditrice finira pas céder en 1937.
(d’après l’Express)
Lire aussi : Tout savoir sur le comité de lecture de Gallimard