Qui est responsable de la disparition du livre papier ? L’auteur américain Michael Levin épargne Amazon et Apple, mais tire à boulets rouges sur les éditeurs.
Attention, auteur en colère. L’écrivain américain à succès Michael Levin, ancien membre dirigeant de la Guilde des Auteurs, n’est pas tendre avec les éditeurs dans un billet publié la semaine dernière sur le blog « Livres » du magazine Forbes.
Principal reproche qu’il adresse aux maisons d’édition : un modèle « anti-commercial ». « L’édition est la seule industrie où les producteurs restent passifs et attendent de voir quels produits vont leur être proposés, au lieu de faire des études de marché pour analyser les envies des gens », accuse Michal Levin. Avant d’en rajouter une couche, histoire d’être sûr que l’on ait bien compris : « Les éditeurs ne suggèrent que rarement des idées de livres ; ils préfèrent attendre que les agents littéraires leur en soumettent, s’emporte-t-il. Et quand il s’agit de décider quel ouvrage va être publié, ils ne se basent que sur de vagues pressentiments… »
Un manque d’intérêt pour les goûts des lecteurs
Problème, ajoute l’auteur, les livres que choisissent les éditeurs n’intéressent que très peu les lecteurs. « Après les attentats du 11 septembre 2001, on a sorti des tonnes de livres sur le sujet… mais personne ne les a achetés. Idem au moment de la guerre en Irak, de l’élection de Barack Obama, de la crise économique ou de la marée noire dans le golfe du Mexique, énumère Michael Levin. Et je ne parle même pas des pseudo-livres d’auto-motivation, des ouvrages sur le dernier régime miracle ou des manuels à deux francs pour devenir un parfait petit entrepreneur. »
Le résultat, bien évidemment, ne peut qu’être catastrophique, selon lui. Surtout quand, en plus, les éditeurs assument tous les risques. « Ils achètent les droits des ouvrages, font le travail d’édition, s’occupent de l’impression, détaille Michael Levin. Et comme si cela ne suffisait pas, ils prennent aussi en charge, le plus souvent, la distribution des exemplaires dans toutes les librairies du pays, avec une prise en charge de 100 % en cas de retours ! » « Etant donné tout cela, très peu de livres rapportent effectivement un peu d’argent aux éditeurs – et ne parlons même pas des auteurs ! » soupire l’ancien de la Guilde des auteurs américains.
« Qui a encore besoin des éditeurs aujourd’hui ? »
Et s’il reconnaît qu’Apple Amazon et Internet ont un peu changé la donne, en faisant chuter les prix et en modifiant les habitudes de consommation, c’est pour mieux tacler les éditeurs, cette fois sur leur manque d’anticipation. « Le modèle de l’éditeur traditionnel – qui publie des tonnes de livres, sans se préoccuper de leur promotion ou même des ventes – a bien fonctionné tant qu’ils avaient la mainmise sur la distribution et la promotion des livres. Mais qui a encore besoin d’eux aujourd’hui ? interroge par exemple Michael Levin. Aujourd’hui, n’importe quel auteur peut mettre en ligne son roman sur Smashwords, Lulu ou Kindle Direct, et ainsi contourner les éditeurs – ainsi que les libraires. Qu’on s’appelle John Grisham ou Jean Dupont, on peut aussi utiliser Google AdWords et les réseaux sociaux pour faire sa promotion de manière très efficace. »
Dès lors, sa conclusion tombe sans surprise, mais pas sans une dernière pique : « Pour les éditeurs traditionnels, la partie est finie. Si seulement ils pouvaient s’en rendre compte… »
(d’après Forbes)
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