Né à Nice en 1940, Jean-Marie Gustave Le Clézio a reçu le prix Nobel de littérature en 2008. Inspiré par son amour de la culture amérindienne et ses nombreux voyages, Le Clézio est qualifié d’écrivain des nouveaux départs, de l’aventure poétique et de l’extase sensuelle.
Pourquoi écrivez-vous ?
Ecrire est pour moi une nécessité vitale, conditionnée par un besoin intérieur. On risque de se faire avaler par la littérature ou par soi-même. Si on se fait avaler par soi-même, on devient fou. Si on se fait avaler par la littérature, on devient écrivain. Avant que la littérature m’avale, c’était le plaisir de raconter des histoires qui m’a poussé à écrire. Puis, mon écriture est devenue plus défensive, comme une voie de fuite de la société occidentale, violente et artificielle où tout le monde rencontre la mort, l’envahissement, l’asservissement des objets et l’agression de la vie. Je cherche à retranscrire le monde, à faire en sorte que la pensée humaine corresponde avec le texte. A mon avis, c’est la tâche de l’auteur : retranscrire les expériences et déchiffrer ce que cela dit des comportement humains.
Ecrire, est-ce une façon de poursuivre votre roman familial ?
Totalement. Ce que j’écris depuis plus de quarante ans vient de la période de ma vie qui se situe entre l’âge de 6 ou 7 ans, où naît la conscience d’exister. C’est la période cruciale de toute existence, le moment où on engrange des sensations et des émotions suffisantes pour constituer un répertoire qui durera toute une vie. Je pense qu’il en va ainsi pour tous les écrivains, tous les artistes. En fait, depuis toujours, je fais de l’autofiction sans le savoir.
Comment écrivez-vous ?
Voilà comment je pense que les écrivains devraient travailler : il faut partir pour la campagne, comme un peintre du dimanche, avec une grande feuille de papier et un crayon à bille. Choisir un endroit désert, dans une vallée encastrée entre les montagnes, s’asseoir sur un rocher et regarder longtemps autour de soi. Et puis, quand on a bien regardé, il faut prendre la feuille de papier, et dessiner avec les mots ce qu’on a vu. Parfois, j’écris aussi par bribes dans le fond d’un café, j’y mêle des morceaux de conversations entendues, des images, des découpes de journaux. Il ne s’agit pas pour autant de mettre trop l’accent sur l’immédiateté. Il faut réviser ses textes afin de les perfectionner. Il ne faut pas confondre la « mise en récit », le lieu de l’instantané et la « dactylographie » qui est le lieu de corrections.
Sources :
Télérama
Arabesques-editions.com
Multi.fi