On ne présente plus l’écrivaine belge Amélie Nothomb qui publie un roman par an depuis 1992. C’est cette année-là qu’est paru son premier livre, Hygiène de l’assassin (Albin Michel). Mais comment écrit-elle ? A quoi sert l’écriture dans sa vie ? Un extrait d’une interview parue dans le magazine français L’Express au moment de la parution d’Une forme de vie (Albin Michel, 2010).
Vous n’avez plus jamais eu l’angoisse de la page blanche ?
Amélie Nothomb : J’ai commencé mes romans à 17 ans et, à 42 ans et demi, je suis en train d’écrire le soixante-neuvième. Il vient toujours quelque chose, le robinet fuit continuellement.
D’où cette fluidité dans l’écriture ?
A. N. : Si elle existe, elle vient d’une très grande pratique, rien ne permet de faire l’économie du travail du temps. A force d’écrire, je découvre tout ce dont on peut se passer : une phrase, quelques mots, une scène de présentation – les débutants en raffolent. On ne cesse de me demander des recettes, le seul conseil que je puisse donner, c’est de régler une difficulté d’écriture en écrivant. Ce n’est que dans l’action que l’on résout ses problèmes. Autre conseil : lire Lettres à un jeune poète, de Rilke.
Vous dites « écrire dans l’ascèse et dans la faim ».
A. N. : J’écris toujours à jeun, or j’ai toujours faim. Et l’ascèse, c’est se réveiller tous les jours à 4 heures du matin, même l’hiver – j’ai essayé de travailler plus tard, ce n’est pas la même écriture. Je maudis mon destin ! Mais après avoir allumé la machine, c’est la volupté la plus totale. En vingt ans, je me suis donné une fois des vacances pour connaître le confort des gens normaux. Ç’a été l’horreur absolue, j’ai eu l’impression de revivre ma crise d’adolescence de 13 ans.
Que pensez-vous des auteurs qui proclament écrire dans la souffrance ?
A. N. : Je crois que cette assertion est née, au XIXe siècle, de la révolution industrielle, un moment de grande culpabilité chez les écrivains, d’où la posture : « On ne descend pas à la mine mais écrire est un tourment. »
« Si j’écris comme une possédée, c’est que j’ai besoin d’une issue de secours. » Qu’entendez-vous par là ?
A. N. : Je ne sais pas à quoi je cherche à échapper. A moi-même ? Aux petits déjeuners familiaux ? Il y a toujours quelque chose à fuir. L’écriture peut aider à trouver la solution. Pour résoudre les problèmes, il me faut trouver les mots justes. Je vis dans l’idée qu’un répit va arriver, je continue de croire à l’apaisement possible.
Cette interview réalisée par Marianne Payot est parue dans L’Express (25/08/10)
Vous pouvez lire l’interview dans son intégralité : « Amélie Nothomb : Je suis allergique au mépris »
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