Junie Terrier a remporté l’édition 2011 des « 24 heures d’écriture ». Selon elle, à l’image du pianiste, un écrivain doit faire ses gammes tous les jours.
Junie Terrier est traductrice d’anglais et travaille dans l’édition. Elle écrit aussi des scénarios. Couvre-feu, la nouvelle lauréate des 24 heures d’écriture 2011, sera son premier texte publié.
Origine
À 6 ans, on me déclare dyslexique. Quand j’écris une lettre, je la forme à l’envers, et toutes se confondent. Je lis parfaitement, mais c’est du par cœur. En réalité, je ne sais rien.
« Elle aura toujours des problèmes en français », dit l’orthophoniste à ma mère.
Je dois réapprendre l’alphabet. Je me trompe, on recommence, ainsi de suite. Je m’entraîne aussi toute seule. J’écris des mots, puis des phrases, et des histoires. L’écriture est là. Je ne la résumerai pas à ce trouble de l’apprentissage, mais la dyslexie m’a ferrée aux mots. Ils sont devenus ma colonne vertébrale.
Extension
Les images. C’est ce qui me vient en premier. Un gros plan, un plan large ou un mouvement. La couleur d’un ciel, comment se déplacent les nuages. L’expression d’un visage, l’attitude d’un corps ; par exemple, une main tape contre un mur, un ongle verni se casse, une fille flageole. Devant elle, un homme. Une aire d’autoroute. Il fait presque nuit. L’image m’amène à l’action. L’action au personnage. Le personnage au dialogue. L’histoire se dessine.
Écrire des scénarios m’est venu naturellement. J’y ai fait mes premières armes. J’ai appris à aller à l’essentiel. « Un scénario, a dit Jean-Claude Carrière, c’est une chenille. Pour qu’il devienne papillon, il faut en faire un film. » J’ai réalisé quelques courts métrages dont je n’étais jamais totalement satisfaite : ils différaient à chaque fois de ce que j’avais imaginé. Seule, sans contrainte, devant ma page, j’allais plus loin. Du cinéma, j’ai migré vers la littérature.
Climax
Je ne crois pas au génie littéraire. L’écriture, comme toute discipline, requiert du travail. On ne s’invente pas écrivain. Un pianiste fait ses gammes tous les jours, l’auteur écrit régulièrement. J’ai donc opté pour la rigueur. Je me réserve des plages d’écriture durant lesquelles je me coupe du monde. J’ai commencé un roman. J’ai une fin potentielle, mais l’histoire m’apparaît au fur et à mesure. Je ne sais pas encore où elle me mènera, ni quand je poserai le point final.
Il y a un mois, j’ai participé aux 24 heures d’écriture. Pendant 24 heures, 24 auteurs ont été enfermés ensemble pour écrire une nouvelle sur un sujet imposé. Je ne suis pas habituée au format nouvelle. Je voulais me tester : serais-je capable de me plier à l’exercice ? Je trouvais également l’expérience enrichissante : j’allais rencontrer d’autres jeunes auteurs. J’ai écrit toute la nuit sans dormir jusqu’au lendemain 19 heures. Je construisais chaque paragraphe lentement, sans prévoir la teneur du suivant. J’ai trouvé la chute in extremis. Je vivais la scène à travers Juliette. Il y avait les bottes des soldats, maman, Marie, le calot rouge de Nicolas. Les coups de feu étaient inévitables. J’ai rendu ma copie une boule dans la gorge. Quand j’écris, je deviens mon personnage. Juliette a mis du temps à partir.
Recevoir le prix du jury m’a bouleversée. Je n’en croyais pas mes yeux. J’attends avec impatience la dédicace du 8 septembre à la librairie des Gâtines. Ma nouvelle imprimée. Un vrai livre ! Cette publication légitime mon parcours : écrire est ma voix.
Bonjour, quelle tenacité ! Je vous souhaite une belle carrière d’écrivain…
Un joli espoir pour d’autres enfants diagnostiqués dyslexiques. Bravo à vous pour votre ténacité et cette récompense !
Comment faire d’une faiblesse, une force!!! Bravo, continuez et soufflez cette information aux enfants dyslexiques…
Merci pour vos encouragements. Junie.