L’écriture, entre intuition et travail

Une nouvelle chronique d’écriture de Frédérique Martin, auteur de romans et de nouvelles. À tes souhaits, est une nouvelle pour adolescents, qu’elle a publiée dans un collectif chez Thierry Magnier : Comme chiens et chats : histoires de frères et sœurs. En février 2011 est également paru Le fils prodigue aux éditions de l’Atelier in8. Son prochain roman est prévu chez Belfond en septembre 2012.

Chaque mois, retrouvez sur enviedecrire.com, une chronique de Frédérique Martin qui nous parle de cet acte créateur qu’est l’écriture.

Pour extirper des textes du magma de la pensée, pour dompter cette puissance, l’intuition est un assez bon guide, pour peu qu’on sache la discerner dans le vacarme cérébral. C’est l’appui qui va me permettre de choisir ce que je garde et ce que j’écarte. Celui qui me permettra de sentir ensuite à quel texte se rapporte ce bout de dialogue entendu à table, ce titre imaginé depuis longtemps. Je pourrais citer des phrases, voire des passages entiers écrits des années avant que l’idée du livre lui-même se soit présentée. Je l’interprète comme le signe d’une intelligence à l’œuvre qui est d’un autre ordre que la matière grise et le raisonnement. Comme si j’avais le pressentiment de textes en cours d’élaboration, avant même qu’ils ne soient arrivés à ma conscience et que ces phrases en soient la manifestation.

C’est le cas pour ma dernière nouvelle À tes souhaits parue en mai dernier dans le collectif chez Thierry Magnier : Comme chiens et chats : histoires de frères et sœurs. Mon éditrice m’a commandé le texte au dernier moment. Vingt mille signes sur un thème précis avec une date butoir si proche qu’elle me collait au blanc de l’œil. J’ai consulté mes cahiers, mes notes, mes bouts de papiers, mes débuts de textes. Et là, dans un de mes premiers carnets, j’ai retrouvé l’idée d’un roman qui m’était complètement sorti de l’esprit. J’ai tout de suite su que je tenais mon histoire et très vite j’en ai connu la chute. La nouvelle s’est écrite en deux ou trois séances, comme si elle avait été là depuis longtemps, prête à sortir.

Le travail est incontournable

Mais à ces fruits cueillis avec aisance, j’opposerai les journées où l’écriture est plus difficile, où on doit s’asseoir quand même et se mettre au travail de manière volontaire. Ce sont des heures plus laborieuses, moins confortables à vivre. Pourtant au bout du compte, des phrases s’alignent, des textes se bâtissent et des romans s’achèvent de cette manière. Une fois que l’essentiel a été posé, c’est le temps de la réécriture qui s’annonce, fastidieuse par moment, mais bien moins anxiogène.

Le travail est incontournable, c’est lui qui prend le relais de l’inspiration défaillante. Inutile d’espérer une incitation à la paresse dans cette activité. On procrastine, on évite, on reporte, on atermoie, mais au bout du compte, on n’y coupe pas. Ecrire est d’autant plus exigeant que personne ne vous demande rien. On est donc seul avec sa motivation. Tant qu’on n’est pas entré dans une maison d’édition avec laquelle travailler sur le long terme – et certains n’y arrivent jamais, pour des raisons diverses – on est seul maître de son temps et de la manière dont on l’emploie. On n’est pas payé – on le sera mal dans la plupart des cas – on n’est pas reconnu, il n’y a aucune certitude sur la manière dont cette aventure se déroulera et on écrit des textes – quand on y arrive – sans savoir s’ils quitteront un jour leurs tiroirs.

Des considérations périphériques

À ceci s’ajoutent les considérations périphériques comme les nombreuses démarches pour prendre contact, développer son réseau, trouver sa place. Compter les jours dédiés à un autre travail – celui qui assure le quotidien – les heures passées en famille, les nuits où il faut quand même bien dormir un peu. Ne pas oublier les périodes où la succession d’échecs fait vaciller, le temps qu’il faudra pour reprendre des forces et les surmonter, la lecture qui prend une place démesurée… Bon bref, pour la partie de plaisir, je conseille plutôt le macramé.

Mais si le tableau n’arrive pas à vous rebuter, si vous voulez quand même écrire et mordicus refusez de changer de voie, alors c’est assez simple : suivez votre intuition et mettez-vous au travail.

 

Découvrez : Le fils prodigue, la nouvelle de Frédérique Martin parue en février 2011 aux éditions de l’Atelier in8.

Retrouvez : Frédérique Martin sur son blog

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4 Replies to “L’écriture, entre intuition et travail”

  1. Gilles dit :

    « Ces fruits cueillis avec aisance » écris-tu….. mais il peut falloir du temps avant de savoir mener cette cueillette, « entendre » cette petite voix de l’intuition, lui accorder confiance, saisir et dérouler son fil dans une histoire. Cela m’a personnellement été assez long et j’ai encore du chemin à faire. Comme je te le disais ce week-end, j’ai la sensation d’avoir fait le chemin inverse, d’avoir découvert et développé mon intuition grâce à l’écriture et d’ensuite en profiter dans le reste de ma vie.

  2. Ce sont des fruits rares de toute manière, c’est ce que je dis aussi. Tu anticipes sur ma prochaine chronique. Chacun doit trouver son propre fonctionnement, c’est ton cas, me semble-t-il.

  3. fabeli dit :

    Un article très juste sur la quantité de travail nécessaire et forcément invisible pour le lecteur qui ne voit que le résultat!

  4. Merci Fabeli, pour votre lecture. Le travail est une dimension essentielle en écriture. Il y a trop de textes bâclés, de premiers jets, d’approximations. Trop d’urgences, là où devrait régner la patience.

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