On croyait le genre à l’agonie. Mais la littérature à l’eau de rose est en plein renouveau. Elle le doit notamment à des choix marketing et éditoriaux plus osés.
« Quand je suis arrivée ici, on attendait juste que les lectrices disparaissent, la direction avait décidé que la romance, c’était fini. » C’était il y a quatre ans, et depuis lors, Anna Pavlowitch, directrice éditoriale de J’ai lu, a changé son fusil d’épaule, en même temps qu’elle découvrait la réalité du marché. « On sait maintenant que nos lectrices ne sont pas vieilles ! A partir de là, attendre que meure une lectrice de 45 ans, ça peut prendre du temps… » sourit-elle.
Bye bye le kitsch, bonjour le chic
Pour se remettre à la page, Anna Pavlowitch opte en faveur d’un changement radical. Le même que celui appliqué à toutes les autres collections du groupe Flammarion, dont J’ai lu fait partie. Et ce changement commence par la « rénovation » des couvertures. « On avait pris dix ans dans la vue dans ce domaine, confie-t-elle. On a donc joué la haute-couture. » Au revoir le kitsch, adieu les couleurs rouge-rose, les apollons torses nus et les femmes lascives dans leurs bras. Les couvertures se modernisent, au point de ressembler parfois à des affiches de films.
Le résultat ne tarde pas. Là où les éphèbes musclés ont échoué, le nouveau graphisme, plus chic, fait ses preuves. Les romances, naguère méprisées, parviennent même à s’ouvrir les portes de quelques librairies. Quant aux lectrices, elles sont reconnaissantes : « L’avantage principal, c’est que maintenant je peux lire dans le métro sans m’attirer des regards condescendants », confirme Samantha, 26 ans.
« Une exigence de modernité »
A son image, le lectorat des romans à l’eau de rose est presque exclusivement féminin – comme les auteurs. Il a aussi considérablement rajeuni ces dernières années, grâce notamment au succès de Bridget Jones. Le livre d’Helen Fielding a d’ailleurs conduit les maisons d’édition à mettre en place de nouvelles collections, au ton plus décalé. « Il y a alors eu une exigence de modernité, qui ne correspondait pas à nos séries traditionnelles, même si celles-ci n’ont pas été abandonnées », rapporte Anne Coquet, directrice éditoriale d’Harlequin, le mastodonte du genre – 81,5 % des ventes du marché entre avril 2010 et mars 2011.
La « chick-lit », littéralement la « littérature pour les poulettes » a alors été créée. « Il s’agit de jouer avec le code, tout en se réconciliant avec lui », définit Anne Coquet. En clair, le fond reste le même, mais traité avec plus d’originalité.
Vive le mélange des genres !
Ces dernières années, l’ironie n’est pas la seule à avoir ébranlé l’univers rose bonbon de Barbara Cartland. Depuis l’ouverture de cette brèche, finis les complexes ! Dernière trouvaille : le mélange des genres. La fantasy, le thriller, le policier et le paranormal ont ainsi fait leur apparition dans les romances. Un brassage dont le succès est symbolisé par la « bit-lit », où les histoires d’amour se conçoivent à base de morts-vivants, de fées, de démons et autres loups-garous.
Dernière preuve de cette renaissance : Amazon. Depuis quelques mois, le libraire en ligne cherche à investir le domaine de l’édition. Pas impressionné le moins du monde par la mise en garde d’un psychologue mormon, c’est via la littérature sentimentale qu’il a décidé d’amorcer sa conversion.
(d’après Livres Hebdo)