Frédérique Martin : Ecrire c’est persévérer

Une nouvelle chronique d’écriture de Frédérique Martin, auteur de romans et de nouvelles. En quête de JOB, est son dernier livre (un livre-film) édité aux Editions Zorba en décembre 2009. En décembre, sa nouvelle Action! a été publiée dans la revue québécoise Mœbius et au mois de février paraîtra Le fils prodigue aux éditions de l’Atelier in8. Chaque mois, retrouvez sur enviedecrire.com, une chronique de Frédérique Martin qui nous parle de cet acte créateur qu’est l’écriture.

« Alors que pendant des mois, avec une obscure ténacité, malgré la prison et l’exil, ils avaient persévéré dans l’attente, la première espérance suffit à détruire ce que la peur et le désespoir n’avaient pu entamer. » Camus in La peste

Une attitude fondamentale en écriture, c’est la persévérance. Elle vaut pour les textes sur lesquels il faut revenir sans complaisance, pour les refus et les échecs qu’il faut apprendre à encaisser, pour les jours où on perd de vue cette détermination dont il était question dans ma chronique du mois de décembre dernier, pour repousser ses limites et gagner en liberté intérieure. Elle est nécessaire pour qu’il soit possible de s’asseoir tous les jours derrière une page blanche, alors même qu’il ne s’y écrit rien, ou rien de bon.  Elle est enfin la seule possibilité pour tenter d’aller d’un point – vouloir écrire – à un autre – être édité.

Elle intervient aussi dans la construction identitaire, que j’aborderai plus longuement une autre fois.

Croyance personnelle

Mais il faut à la fois persister dans l’intention et renoncer à ses attentes. Ce double mouvement qui peut paraître contradictoire est en réalité de salubrité personnelle. L’attente fige une image idéalisée de soi que l’on projette en avant, à l’instar de la carotte qui est censée faire galoper l’âne. On se voit tel qu’on se rêve, et c’est un leurre, pour mieux passer à côté de qui on est.

Pour ma part, j’ai longtemps tourné autour du roman. Et ma croyance personnelle était qu’un véritable écrivain est capable de pondre mille pages. Mes nouvelles et ma poésie – même cumulées – étaient loin de suffire, preuve absolue de mon illégitimité ! J’ai donc persisté des années durant, malgré plusieurs essais avortés ensevelis dans mes cartons.

Mon premier roman, Zéro le Monde, a débuté par une nouvelle. Mais son héros, Dominic, n’entendait pas en rester là ; il avait d’autres aventures à fouetter. Chaque chapitre est donc en réalité une nouvelle mettant en scène des personnages récurrents. Pourtant, le tout forme un authentique roman. Le second,  Femme vacante, est issu de fragments et de notes prises durant des années, à partir desquelles se sont bâtis les destins d’Alice et d’Adèle. Le troisième – qui n’est pas encore édité – est un roman épistolaire dont l’ambition est de rendre compte d’un drame familial au fur et à mesure de son déroulement, sans passer par d’autres voix que celles des deux narrateurs qui s’écrivent.

Persévérer avec souplesse

J’ai fini par renoncer au grand roman foisonnant, il n’est pas pour moi. Mais j’ai découvert qu’à partir de la brièveté, je pouvais pousser plus loin, j’en ai senti l’intérêt et la nécessité. De même, en écrivant ces trois livres, je me suis musclée et aguerrie dans l’affrontement que je mène pour parvenir à la longueur.

La nécessité de la forme dépend du texte qu’on écrit. Elle ne se décide pas, elle se cherche et dans le meilleur des cas, elle s’impose. Je continue d’admirer et de lire de grands romanciers, mais je ne cherche plus à leur ressembler. Il arrive un moment où la persévérance devient de l’obstination.  C’est à mon avis, le signe qu’on n’est pas dans sa voie – la seule qui vaille l’exploration. En ce qui me concerne, il s’agit de travailler afin de ne pas me comparer incessamment avec des maîtres qui vont me nourrir mais auxquels je sais ne pas pouvoir et – plus important encore – ne pas devoir ressembler. Persévérer donc, mais avec souplesse, en restant attentif à ce point d’équilibre où les forces s’annulent. C’est ce qui permet d’aller à la rencontre de sa singularité – thème de ma prochaine chronique.

En avril 2011, Frédérique Martin propose un cycle d’ateliers d’écriture en collaboration avec Paule Meslin sur le thème : Oser

Découvrez : En quête de JOB, le dernier livre de Frédérique Martin paru aux Editions Zorba en décembre 2009.

Retrouvez : Frédérique Martin sur son blog

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