Débuter en écriture (2e partie)

Frédérique Martin est auteur de romans et de nouvelles. En quête de JOB est son dernier livre (un livre-film), édité aux Editions Zorba en décembre 2009.
Chaque mois, retrouvez sur enviedecrire.com, une chronique de Frédérique Martin qui nous parle de cet acte créateur qu’est l’écriture.
Vous pouvez rejoindre Frédérique Martin sur son blog ou sur sa page Facebook.

Débuter, c’est aussi prendre des mesures concrètes. Un coin à soi – à défaut d’une pièce – un endroit où l’on peut travailler et s’isoler par moment, quand la vie de famille se met en sourdine. Pendant longtemps, mon bureau a été dans la salle à manger. Puis en déménageant dans une vieille maison où il y avait plus de travaux à faire que de surface habitable, il est resté plusieurs années dans une entrée donnant directement sur la cuisine avant de trouver sa place actuelle sous des combles aménagées.

Le premier outil – indispensable selon moi – que je me suis acheté, c’est un cahier rouge de marque Suffren, de quatre-vingt seize pages à grands carreaux. Premier d’une longue collection, il me suivait partout. Ma matière, c’est la vie. J’ai tout de suite senti que si je ne notais pas, je perdais de la substance. Depuis quinze ans, j’emmagasine : des idées, des phrases, des projets, des bouts de scènes, des réflexions, des réparties, des anecdotes, des observations, des dessins parfois, des photos… tout ce qui attire mon regard, suscite de l’émotion, me touche d’une manière ou d’une autre, est consigné dans ces cahiers. Le cœur de mon écriture est là. Je note sans apriori, sans me préoccuper de savoir si cela servira, sans jugement d’aucune sorte, et notant, je suis de plus en plus présente au moment, aux détails, au fourmillement qui m’entoure, comme si le monde gagnait en densité.

Outils d’écriture

Lorsque j’attaque un nouveau texte, mon premier réflexe est de relire mes cahiers, d’en repêcher les éléments susceptibles d’être utilisés, de m’inspirer, de redécouvrir ce qu’entre-temps j’ai oublié. Je me laisse aussi porter par la libre association d’idées, le « hasard » de mes lectures, la recherche d’un synonyme, d’un antonyme, les analogies. Pour résumer, en décidant d’écrire, je me suis mise en état d’alerte quasi permanent.

Avec l’avaloir versé par Les éditions Thierry Magnier, mon éditeur jeunesse pour le roman Zéro le monde, j’ai acheté d’occasion les six volumes du Grand Robert de la langue Française – que j’appelle affectueusement « mon pt’it Robert ». Il est venu prendre place à côté de trois éditions différentes du Larousse illustré et d’une très encombrante encyclopédie Grand Larousse en dix volumes datée de 1960 qui débute par ces quelques mots d’introduction : « Si l’honnête homme du XXème siècle veut continuer à s’intéresser au monde qui l’entoure… » – signé : Les Editeurs. Je ne me sépare pas de mon Bordas – synonymes, antonymes, analogie – ou de mon Dictionnaire des difficultés du français moderne (2ème édition – 1989), ni du Verbier de Michel Volkovitch, du Traité de la ponctuation de Jacques Drillon ou de l’incontournable Bescherelle.

Clichés littéraires

Enfin, un ami vient de m’offrir le Dictionnaire des clichés littéraires d’Hervé Laroche, qui est un régal d’humour et devrait faire partie de la panoplie o-bli-ga-toi-re de ceux qui aspirent à écrire.

Une mise en bouche avant le grand saut :
Front : Lieu commode où inscrire les informations à communiquer au lecteur (il lui suffira de lire sur le front). Le front peut être soucieux, sourcilleux, radieux, paisible, serein. Il s’éclaire ou s’assombrit aussi facilement qu’une lampe halogène. Subit toutes sortes de déformations signifiantes : se plisse, se tord, se creuse, se barre de rides. Ciel de l’âme, il voit passer les nuages. Témoin de l’histoire, la vie de son propriétaire y est gravée. On se l’éponge, peu importe avec quoi (mais le préciser tout de même). Faire front : substitut commode à répondre, dans les dialogues (varier le vocabulaire).

Tentatives : sortes : audacieuse, timide, désespérée, ultime. Quelle qu’elle soit, une tentative est généralement vouée à l’échec. Le succès est réservé aux essais (qui s’en trouvent couronnés).

Et pour finir (en beauté) :
Mot : saisir toutes les occasions pour noter à quel point les mots manquent, sont insuffisants, impuissants, se dérobent, se bloquent dans la gorge, ne franchissent pas le seuil des lèvres. Impossible de compter sur eux, mais on n’a pas le choix. Conséquence : les romans sont pleins d’indicible.

Retrouvez : la première partie de cette chronique de Frédérique Martin

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4 Replies to “Débuter en écriture (2e partie)”

  1. Et pour compléter les clichés littéraires, un article de Fluctuat.net :
    http://www.fluctuat.net/7112-10-cliches-litteraires-a-eviter

  2. david dit :

    Comment mettre de l’ordre dans mon désordre ?
    J’ai un nombre incalculable de feuilles volantes et j’aimerais avoir quelques conseils.
    Comment ordonner ma trame pour qu’elle soit claire et étoffée sans se sentir obliger de mettre des détails qu’on a peur d’oublier ou qui figurent sur une page annexe ?
    Avez-vous des idées pour m’aider à m’organiser sans que je passe mon temps à craindre un oubli ou à perdre mon temps à la recherche d’une information ?

    Merci d’avance pour votre réponse qui j’ose espérer me permettra de sortir de la mélasse.

  3. Bonjour David,

    C’est une question assez complexe que vous me posez là. Tout d’abord parce que chacun d’entre nous doit trouver sa propre organisation qui corresponde à sa logique interne. Mais je vais tenter malgré tout de vous donner une piste ou deux. D’abord réunir vos feuilles dans des sous chemises qui porteront le nom de chaque personnage, éventuellement des lieux où se situe l’action, voire une autre pour le thème de fond qui est abordé.
    L’auteur doit toujours en savoir plus long sur son histoire que ce qu’il dit, c’est donc normal que vous ayez des informations qui ne vont pas vous servir directement, juste nourrir votre connaissance de tous les aspects du roman.
    Enfin, vous pouvez également afficher une sorte d’arbre généalogique de vos personnages, vous permettant d’avoir l’essentiel sous les yeux.
    Ce qui fait la différence, c’est que vous viviez avec eux et que vous les connaissiez comme s’ils existaient vraiment. Une des (nombreuses) difficulté du roman, c’est que plus il y a de profusion, plus on court le risque de la confusion. Et là, malheureusement, chacun à sa méthode. Certains écrivent des plans trés structurés et solides, d’autres se jettent à l’eau et ont tout dans la tête.
    Je ne peux développer ici plus longuement, mais j’espère avoir un peu répondu à vos attentes. Soyez à l’écoute de ce qui vous aide et de ce qui vous ressemble. Bon courage.

  4. Amandine RENE dit :

    Est-il possible d’ écrire quand on a douze ans ?
    Je me suis lancée, j’ignore comment cela se passera pour moi .J’aimerai avoir quelques conseils pour débuter à mon âge . Y a t’il une/des maison(s) d’édition en Guadeloupe ( c’est là que j’ habite .)

    Merci d’ avance pour votre réponse

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