Fenêtre

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J’ai toujours été trop petite, trop menue, pour avoir la tête dans les nuages. Je regardais les autres petites filles, blondes, nattées, lisses et blanches, elles rêvassaient à la fenêtre, comptaient les voitures, les gouttes de pluies. Les couleurs des maisons par-delà la rue semblaient si intéressantes, si captivantes à comparer aux comptines, aux triangles et aux ronds.

Pourtant, moi, j’avais beau me dresser sur ma chaise, je ne pouvais jamais les voir. Quand j’arrivais à hauteur de la vitre, une couche de pourriture cantonnée au carreau me brouillait la vue. Plus haut, la crasse s’amenuisait, trop haut… Dehors était définitivement trop loin. C’était comme si la classe cherchait à me retenir, à m’absorber. Mais j’avais beau être petite, mon désir d’évasion était tenace, je fixais un point sur le mur, dans mon plumier, une jolie couleur, rose, pourpre, vermillon. Et je m’envolais, je m’échappais, je crevais le plafond. Dans mes pensées, dans ma réalité, aucune pourriture ne me gâchait le panorama, il n’y avait pas non plus de petite blonde merveilleuse qui me faisait paraître si insipide. Dans mes songes à moi, tout était à portée de main, à portée de vue.

Puis, un jour, j’ai grandi. Et j’ai pu voir à travers la fenêtre, mes rêves ont été balayés, souillés. Plus rien ne me souriait et mes chimères s’effondraient, incrédibles… Ou incrédules. J’ai vu les petits garçons s’éloigner et puis d’autres, moins lisses, moins blonds, s’approcher, puis, m’écraser, me casser, me briser.

Alors je n’ai plus seulement regardé à travers la buée de la fenêtre. Je l’ai ouverte et j’ai sauté, pris mon envol et volé, plus haut, plus haut que toutes les fenêtres, que toutes les maisons, que tous les rêves. J’avais enfin la tête dans les étoiles.

Valentine Determe

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