En transformant Gatsby le magnifique en Gatsby tout court, la romancière Julie Wolkenstein ne s’est pas attiré la sympathie de tout le monde. La dernière traduction en date d’une longue série qui fait débat…
Certaines traductions ont-elles besoin d’être rafraîchies? C’est ce qu’a affirmé Julie Wolkenstein pour défendre sa nouvelle version de Gatsby le magnifique. Deux traductions existaient déjà, l’une de Victor Liona, qui datait de 1945 « touchante mais vraiment inadaptée. Presque un mot à mot », selon la romancière. Et l’autre de Michel Tournier, datant de 1979, « grammaticalement irréprochable, inattaquable au point de vue de la fidélité. Mais je n’y retrouvais pas le texte anglais ».
Fitzgerald lui-même mécontent de son titre
La romancière entreprend donc d’écrire une nouvelle traduction, sans cacher son ambition de dépoussiérer les premières versions. « Bizarrement, le français de Tournier n’est plus exactement le nôtre, alors que l’anglais de Fitzgerald n’a pas bougé. Quand Gatsby meurt, Fitzgerald écrit “Son of a bitch” en guise d’épitaphe. Dans la version Tournier, ça donne: “Pauvre bougre”. Ce n’est pas ça. Moi, j’ai mis “enfoiré”, parce que c’est ce qu’on dirait aujourd’hui. Au risque d’apparaître vieillot à mon tour, dans vingt ans. »
Quant au titre, Julie Wolkenstein explique que Fitzgerald lui-même était mécontent de sa première version, appelant son œuvre Gatsby tout court sur la fin.
Un scandale pour l’écrivain Frédéric Beigbeder qui signait récemment une violente tribune dans Le Figaro Magazine : « Le travail de cette universitaire est sûrement très respectable mais il donne la même impression que d’entendre un standard des Beatles massacré dans un karaoké par un étudiant en musicologie ne tenant pas le gin-tonic. »
Moins virulent, Antoine Jaccottet confirme que « Le rôle du traducteur n’est pas d’adapter un texte pour un public moderne. »
L’adaptation, témoignage d’une incompréhension?
Parfois, des adaptations dans la langue même de l’œuvre font débat. Ce fut le cas récemment pour une nouvelle version des Aventures de Huckleberry Finn de Mark Twain. Celle-ci remplaçait notamment toutes les occurrences de nigger (nègre) par slave (esclave). De quoi rendre les puristes furieux. Ainsi selon Bernard Hoepffner, le traducteur français des Aventures de Tom Sawyer : »Il y a là une incompréhension complète de ce qu’est la lecture. Au lieu d’essayer d’apprendre à des élèves quelles étaient les conditions de vie au temps de Twain, on essaie de mettre les textes “à niveau”. Comme si Mark Twain était raciste. Tout montre que c’était le contraire ! »
Si une œuvre est aussi censée être un témoignage d’une certaine époque, d’un certain état d’esprit de l’auteur au moment de l’écriture, ces nouvelles traductions vont effectivement à contre-courant.
(D’après le Nouvel observateur)