Après 25 ans à travailler pour les autres, un éditeur américain vient de lancer sa propre maison. Avec une ambition : adapter enfin l’édition à l’ère numérique.
On a beau aimer l’objet livre, on peut aussi penser qu’il est en décalage avec son époque. C’est exactement le raisonnement de Seth Godin, qui a travaillé pendant 25 ans dans le marketing du livre. Aujourd’hui, l’Américain a décidé de lancer sa propre aventure éditoriale, Domino Project, après avoir mené une réflexion profonde sur l’avenir de l’édition. Il en a profité pour écrire un nouveau livre, Poke The Box.
Pour monter les deux projets, l’auteur est parti d’un constat qu’il a dressé lors de sa carrière dans l’univers du livre. « Ce que j’ai réalisé, c’est que les éditeurs d’aujourd’hui ont peur. Et comme beaucoup de personnes qui ont peur, ils cherchent à créer des objets originaux, complexes, rares », explique Seth Godin. Or, poursuit-il, l’arrivée d’Internet a plutôt ouvert une « ère d’abondance » : vidéos, idées, morceaux de musique, etc., le web a facilité le partage de tous les types de contenus… sauf le livre.
Des chapitres limités à deux ou trois pages
Une défaillance à laquelle il veut maintenant remédier. « Quand j’ai commencé mon livre, la question n’a pas été de savoir comment l’écrire pour qu’il plaise à tel ou tel type de lecteur, détaille Seth Godin. L’idée était plutôt de chercher comment l’écrire pour qu’il se passe de main en main facilement. » Pour ce faire, il a opéré quelques ajustements. Finis, par exemple, les chapitres trop longs : « Les chapitres de 40 pages, agrémentés de notes de bas de page, ce n’est plus possible, les gens ne pensent plus aussi comme il y a 80 ou 90 ans, attaque-t-il. J’ai donc décidé de limiter chaque partie de mon livre à deux ou trois pages. »
Cette recherche de rapidité, Seth Godin l’assume sans problème. « Quand on est éditeur, il faut savoir prendre des risques, financiers mais aussi intellectuels, pour apporter des idées au public », justifie-t-il. Avant d’énumérer certains avantages de la formule Domino Project : « Pas besoin, par exemple, de se soucier des retours d’invendus, ou de la gestion des stocks. » Quant au système d’abonnement, il le considère comme un énorme plus. « Plus de 25 000 personnes ont payé pour entendre parler de nous dès que l’on sort une nouveauté, c’est un super atout, sur lequel peu d’éditeurs peuvent compter », déclare-t-il avec satisfaction.
Coédition et cocréation
Mais la différence majeure entre Domino Project et l’édition traditionnelle se situe ailleurs, selon Seth Godin, qui peut aussi compter sur le soutien logistique d’Amazon. « En travaillant en coédition et en cocréation avec l’auteur, nous sommes tous les deux responsables du processus, explique-t-il. Cela signifie que nous n’avons pas d’à-valoir à payer, mais aussi que nous pouvons éliminer un certain nombre d’éléments qui contrariaient l’auteur dans sa relation avec l’éditeur. »
(d’après Publishing Perspectives)