Né au Ghana en 1952, l’Ecossais William Boyd a été critique de télévision, scénariste, réalisateur et enseignant avant de se consacrer à l’écriture. En 1980, son premier roman, Un Anglais sous les Tropiques, a rencontré un succès immédiat. Lors de la publication en français du thriller Orages ordinaires (Seuil, 2010) Le Magazine Littéraire avait rencontré cet écrivain qui partage aujourd’hui sa vie entre la France et le Royaume-Uni.
Travaillez-vous de la même manière sur un thriller que sur un roman plus classique ?
Oui, c’est exactement le même travail d’écrivain. Il me faut trois ans à peu près pour écrire un roman. Deux ans pour inventer la trame et faire les recherches nécessaires au livre. Pour mes recherches, j’achète un certain nombre de livres, qui resteront à mes côtés tout le temps de la rédaction. Je rencontre aussi pas mal de gens. Pour ce roman, par exemple, je suis allé voir une inspectrice de police, quelques spécialistes du monde pharmaceutique, des hommes qui travaillent dans la finance, et l’un de mes amis qui est un ancien soldat. Pendant cette même période, je rédige un plan extrêmement détaillé. C’est une espèce de ruban composé de pages collées les unes aux autres, où je note le découpage des chapitres, les thèmes et les sous-thèmes. C’est très précis, découpé scène par scène. Quand je commence la rédaction, je fais, bien sûr, pas mal de changements au fil des idées qui me viennent. Mais le fait d’avoir une structure solide sur laquelle m’appuyer me permet de m’attaquer à l’écriture avec confiance. J’écris le premier jet avec une certaine fluidité. Je n’hésite pas, je ne me demande pas sans arrêt : « Et maintenant qu’est-ce qui arrive à mon personnage ? »
Vous ne faites apparemment pas partie des écrivains pour qui écrire est une souffrance…
Non, absolument pas. Écrire pour moi est un bonheur, un plaisir. Et je mesure la chance que j’ai de pouvoir m’asseoir à mon bureau sept jours par semaine pour inventer un monde, donner vie à des personnages. Je suis d’ailleurs convaincu qu’écrire doit être un bonheur pour l’écrivain. Si ce bonheur n’est pas là, je me demande comment l’on peut écrire un bon roman.
Certains écrivains prétendent que leurs personnages leur échappent, qu’ils finissent par faire ce qu’ils veulent.
Pas moi. Moi je suis le maître des esclaves, mes personnages sont mes esclaves. Imaginer qu’ils puissent échapper à leur auteur est une idée romanesque. Quand j’entends un écrivain dire ça, je n’en crois pas un mot. Écrire un roman est quelque chose de complètement délibéré, on n’est pas saisi par une muse qui vous dicte votre livre. Il faut penser, analyser, réfléchir, il faut essayer, réessayer. D’une certaine manière, le défi consiste à lutter contre la pure inspiration. L’inspiration n’est que le point de départ d’un processus très conscient, très compliqué, très intellectuel.
Propos recueillis par Alexis Liebaert. L’intégralité de l’interview a été publiée dans le numéro 497 du Magazine Littéraire en mai 2010. (crédit photo : © Rebecca Reid)