Ecrire un roman qui donne envie d’être lu

Eric Fouassier est écrivain. Auteur de romans et de nouvelles, il se consacre à la fois à la littérature générale et au genre policier. Son dernier livre Rien qu’une belle perdue, paru aux éditions Pascal Galodé, est un thriller qui joue avec les codes des grands films noirs américains.
Découvrez un reportage vidéo sur Eric Fouassier sur : sa page chroniqueur. Retrouvez sur enviedecrire.com, les chroniques d’Eric Fouassier. Tous les mois, il raconte son expérience d’auteur et donne des conseils aux apprentis écrivains.

Tout apprenti écrivain est censé le savoir : pour séduire les lecteurs surmenés des maisons d’édition qui croulent sous les envois, il faut soigner le titre de son livre et peaufiner sa première page. Un titre qui sonne bien, une première page qui accroche, cela ne préjuge en rien du devenir de votre précieux manuscrit, mais c’est au moins l’assurance que celui-ci sera examiné un peu moins superficiellement que la plupart des œuvres-boomerangs (aussitôt reçues, aussitôt renvoyées à leur expéditeur) des naïfs qui se voyaient pourtant déjà caracoler en tête des listes de best-sellers et répondre avec brio aux questions perfides du dernier talk-show à la mode. Il sont en effet plus nombreux qu’on ne le croit, dixit un directeur littéraire croisé lors d’un dîner (Oh le Eric ! Voilà qu’il joue à l’écrivain maintenant !), qui s’imaginent qu’ils peuvent démarrer doucement pour embarquer leur lecteur ébaubi et définitivement conquis dans un vertigineux crescendo. Eh bien, non ! Raté ! Le monde de l’édition ne fonctionne pas comme ça. Il faut s’y imposer, gagner sa place à l’arrache, comme dans un sprint sur une piste d’athlétisme. Un mauvais départ et vous voilà condamné à partager le sort de ce pauvre Usain Bolt en finale des derniers championnats du monde. Exit ! Vous rentrez à la maison, vous ne repassez pas par la case départ et vous ne gagnez pas 20 000 !

Un feux d’artifice gagnant

Je me permets de citer un exemple personnel car je le crois assez édifiant. Le premier roman que j’ai publié s’ouvrait sur une scène où le personnage principal, à genoux dans ses toilettes, vomissait tripes et boyaux. En voici les premières lignes : « La gerbe en étoiles ponctuait la faïence blanche d’une myriade d’impacts bilieux. S’y mêlaient les reliefs non encore digérés du déjeuner familial. Rouges les filaments de tomates, vertes et roses les asperges au jambon. On a les feux d’artifice qu’on peut, mon bon monsieur ! ». Et la suite était du même tonneau !

Ce manuscrit a été adressé par la poste, sans la moindre recommandation, à un éditeur que je ne connaissais pas. 15 jours plus tard, il m’appelait sur mon portable pour me dire qu’il tenait absolument à publier mon roman. J’ai eu l’occasion par la suite de discuter avec lui de cette fameuse première page et il a reconnu qu’elle l’avait intrigué et qu’il avait trouvé assez gonflé de démarrer ainsi son manuscrit. Evidemment, ce n’est pas cette seule page qui l’a convaincu de me publier, mais elle a eu le mérite de capter son attention et c’était bien là le but recherché !

Tenir la distance

Mais soigner le début de son manuscrit est insuffisant. Il faut aussi tenir la distance et pour cela il existe un autre point critique, celui-là encore plus négligé par nombre d’auteurs, c’est l’attaque des chapitres. L’erreur la plus fréquente commise par les débutants consiste à s’en tenir à un strict respect de la linéarité du récit, ce qui conduit à des débuts de chapitre affreusement uniformes. Or, c’est là un des aspects techniques qu’un lecteur chevronné ne manquera pas de remarquer et qui peut suffire à disqualifier à ses yeux votre roman.

Un seul mot d’ordre donc : variez, variez sans cesse l’amorce de vos chapitres ! Les moyens d’y parvenir sont innombrables. Je me contenterais d’en citer quelques uns à titre d’illustrations, mais je ne doute pas que vous en imaginerez bien d’autres ! Le plus simple : commencer par une question, par la description d’un son ou d’une odeur, par un article de journal ou la retransmission d’une émission de radio… Vous pouvez aussi chercher à capter l’attention du lecteur par un effet de contraste. Dans Un long dimanche de fiançailles, Sébastien Japrisot (Dieu que j’aime cet auteur !) ouvre l’un des scènes clés du livre par cette phrase apparemment tout simple : « Il était une fois cinq soldats français qui faisaient la guerre, parce que les choses sont ainsi ». Mais ici, la juxtaposition du « il était une fois » des contes de fées avec le caractère inéluctable de la guerre suffit à chambouler les codes habituels de lecture et à aiguiser notre curiosité.

 Ellipse et changement de focale

Autre possibilité pour varier ses débuts de chapitre : pratiquer l’ellipse. Faites des sauts dans le temps linéaire du récit pour en rompre la monotonie. L’une des façons les plus efficaces de pratiquer cet art de l’ellipse consiste à ouvrir son chapitre par une réplique intervenant en plein milieu d’un dialogue. Le lecteur se trouve interpellé : c’est à lui de combler les blancs, d’imaginer la situation, le début du dialogue en fonction de ce que vous lui donnez à lire.

Une autre technique que j’aime pratiquer est la variation de focale. Cela consiste à démarrer un chapitre soit en décrivant un tout petit détail pour ensuite élargir le champ de vision soit au contraire en partant d’une description très générale pour arriver à une situation particulière. Un bon exemple de cette deuxième option nous est offerte par le premier chapitre du roman de Jean-Patrick Manchette La position du tireur couché : « C’était l’hiver et il faisait nuit. Arrivant directement de l’Arctique, un vent glacé s’engouffrait dans la mer d’Irlande, balayait Liverpool, filait à travers la plaine du Cheshire (où les chats couchaient frileusement les oreilles en l’entendant ronfler dans la cheminée) et, par-delà la glace baissée, venait frapper les yeux de l’homme assis dans le petit fourgon Bedford. » On retrouve un procédé similaire dans le dernier chapitre du Maître d’escrime d’Arturo Perez Reverte. L’auteur esquisse une véritable nature morte en décrivant, par le menu détail, tous les éléments de décor, visuels, sonores, olfactifs, d’une vieille salle d’armes avant de focaliser sur le personnage principal et la scène finale de son récit.

Découvrez Rien qu’une belle perdue, le dernier roman policier d’Eric Fouassier paru aux Editions Pascal Galodé et en sélection finale pour l’attribution du prix Michel Lebrun.
Le 19 novembre 2011, Eric Fouassier dédicacera ses livres au salon du livre d’Ozoir-la-Ferrière (77).
Retrouvez : Eric Fouassier sur son site d’auteur

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2 Replies to “Ecrire un roman qui donne envie d’être lu”

  1. Florent dit :

    De bons conseils, même si je déplore que le roman doit maintenant rattraper ce que l’on trouve à la télé. Certes moi aussi j’adore qu’un roman m’intrigue dès le début, simplement, j’ai aussi aimé le temps que prit en son temps justement Tolkien ou David Eddings, mais peut-être que le genre littéraire s’y prête davantage.

    Une citation de l’article : »Et la suite était du même tonneau ! »

    Pourquoi il vomit tout du long… 😉

  2. Maxence dit :

    Merci beaucoup pour ce petit paragraphe explicite qui m’aide beaucoup !
    Bonne continuation.

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