Du roman au grand écran

Marianne Jaeglé est écrivain et animatrice d’ateliers d’écriture aux ateliers Elisabeth Bing. Pour aider les apprentis écrivains à dépasser leurs inhibitions, Marianne Jaeglé a écrit le livre : Ecrire, de la page blanche à la publication. Découvrez un reportage vidéo sur Marianne Jaeglé sur : sa page chroniqueur.

Retrouvez sur enviedecrire.com les chroniques de Marianne Jaeglé. Elle accompagne les apprentis écrivains tout au long des étapes incontournables, mais souvent difficiles de l’écriture.

Adapter son propre roman pour le cinéma : un rêve ? Oui, un rêve qu’il m’est donné de réaliser. Cette année, la Société des Gens de Lettres, la Charte et la Fémis se sont associées pour proposer une formation à l’adaptation de romans aux écrivains membres de la SGDL. Cette formation a débuté le 10 avril, et j’ai la chance d’en faire partie.

Un parcours de sélection assez conséquent, en trois étapes : un dossier comprenant lettre de motivation, bio/bibliographie et présentation d’un projet d’adaptation tiré d’un roman dont on est l’auteur ; puis un deuxième dossier, pour les candidats retenus, comprenant l’analyse d’une nouvelle de Thomas Hardy qu’on se propose d’adapter ; et enfin, pour les heureux veinards, un entretien avec un jury composé de quatre membres de la Fémis. Ouf ! Nous étions cinquante candidats au départ, nous voici sept à l’arrivée. Sept candidates motivées pour adapter l’un de leurs romans, sous la houlette du maître d’atelier, le scénariste Pierre Linhart.

Apprendre à écrire dans une autre langue

Nous nous familiarisons avec le vocabulaire du scénario : nous causons « caractérisation du personnage » et « incident déclencheur » ; « protagoniste » et « film choral » ; « pitch dramatique », « continuité dialoguée » et « séquencier ». Nous voici lancées à l’assaut de ce programme ambitieux : apprendre à écrire dans une autre langue que la nôtre, si je peux dire, puisqu’il s’agit de convertir en éléments visuels ou auditifs ce que nous avons déjà écrit dans nos romans. Ca semble une évidence, mais un exemple donnera tout de suite la mesure du travail à accomplir.

Voici ce qu’écrit Flaubert dans Madame Bovary :
« Cette tendresse, en effet, chaque jour s’accroissait davantage sous la répulsion du mari. Plus elle se livrait à l’un, plus elle exécrait l’autre ; jamais Charles ne lui paraissait aussi désagréable, avoir les doigts aussi carrés, l’esprit aussi lourd, les façons si communes qu’après ses rendez-vous avec Rodolphe, quand ils se trouvaient ensemble. »

Comment rendre compte à l’écran de cette évolution psychologique d’Emma ? Cet exercice en apparence si simple nous a été proposé dès le premier jour. Comment montrer ce qu’éprouve le personnage ? Comment exprimer ses sentiments, ses pensées ? Nombre de possibilités ont été envisagées pour cela. On pourrait montrer Emma embrassant fougueusement Rodolphe au moment de leur séparation, puis repousser Charles lorsqu’il tente de l’embrasser. On pourrait faire dire à Emma, lors d’un entretien avec Rodolphe, qu’elle ne supporte plus son mari. On pourrait montrer Emma regardant amoureusement la bouche de Rodolphe, et le geste qu’il a de friser sa moustache, puis passer en fondu enchaîné sur la moustache de Charles en train de manger sa soupe de façon inélégante, etc…

Couper et défricher

Cet exercice nous a fait toucher du doigt la difficulté de l’apprentissage entrepris : il nous faut donner à voir ou à entendre, au lieu de donner à lire et à sentir.

« Pour écrire une adaptation », expliquait Moravia, qui vit nombre de ses romans adaptés à l’écran, et qui en adapta lui-même quelques uns, « ce n’est pas compliqué. On prend le roman, on enlève, on enlève, on enlève… Et pour finir, il reste une petite histoire. »

Tel est donc le travail que nous allons accomplir.

Mais une question se pose : pourquoi, lorsqu’on aime écrire des romans, ou d’une manière générale, des livres, lorsqu’on a mis tant de temps à apprendre à le faire, pourquoi passer à l’écriture de scénario ? Je citerai Natalie Goldberg en réponse : « Parce que c’est la nature de la créativité : défricher le terrain et bâtir. »

NB : pour les auteurs qui n’auraient pas eu la chance d’être admis, et qui vivent en Ile de France, sachez que le Conservatoire Européen d’Ecriture Audiovisuelle (CEEA) propose un stage assez similaire.

Retrouvez : Marianne Jaeglé sur son blog

Pour en savoir plus sur : Les Ateliers d’écriture Elisabeth Bing

Découvrez le livre sur l’écriture de Marianne Jaeglé en cliquant sur l’image :

 

 

 

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4 Replies to “Du roman au grand écran”

  1. florent dit :

    Cet article tombe à point nommé, car je me posais un peu la question inverse ces derniers temps. En regardant des films je me demande souvent : « Tiens, comment retranscrire cela à l’écrit, sans tous les effets spéciaux et le pouvoir de l’image ». Gilbert Gallerne dont j’ai réalisé une interview à venir, me disait avoir éprouvé la même chose en écrivain du gore.
    Je n’avais jamais songé à la même chose dans le sens inverse.

  2. Oui, bien sûr, Florent, la question se pose dans les deux sens… Mais ce qui est magique, avec l’écriture, c’est qu’on peut, d’un trait de stylo, faire arriver une armée de mutants sur-armés, ou un troupeau de mammouths décongelés.
    Au cinéma, c’est plus compliqué, et surtout, beaucoup plus cher !!!

    Mais bon, je commence à comprendre, pour ma part, que comme l’écriture, l’écriture scénaristique a ses atouts, et qu’on peut s’amuser beaucoup en la pratiquant…
    amicalement MJ

  3. Alwett dit :

    Discrètement, sur la pointe des pieds, je voudrais juste signaler qu’il manque un ‘s’ à « chronique » dans le 2e paragraphe de présentation… Sur un autre site, je ne l’aurais pas signalé, mais comme nous parlons d’écriture…

  4. Enviedecrire dit :

    @Alwett
    Merci, c’est corrigé !

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