Comment fabriquer un personnage de roman ?

Le personnage est au cœur de tout récit. D’où vient-il ? Quels sont ses rapports avec son auteur ? Romain Puértolas, Gilles Leroy et Catel Muller partagent leur expérience à l’occasion du Salon du Livre 2015.

 Romain Puértolas est l’auteur de L’Extraordinaire Voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea (ed. Le Dilettante, 2013) : « J’avais un programme sur Youtube où j’expliquais les tours de magie, dont ceux des fakirs. J’avais ce personnage récurrent sur ma chaîne. Il est venu directement à mon esprit. Tout me vient phrase après phrase, l’histoire me vient par épisodes. Je ne suis que la main qui écrit. Je ne fais pas de fiches de personnages car ils n’existent que par leurs actions. Je n’invente pas tout un monde qui n’apparait pas dans le livre. Je donne très peu de descriptions parce que j’aime que les lecteurs se créent leur propre personnage. Je peux dire « elle est  belle » et chacun imagine sa beauté. Je laisse donc beaucoup de place au lecteur, d’autant plus que le roman permet l’écriture par petits coups de pinceaux. Je m’inspire de personnages existants, tels des collègues ou de la famille. Je prends juste une petite caractéristique, mais mes personnages ne sont pas mes proches. Cela ne fait plus partie de la réalité ».

Gilles Leroy a notamment publié Alabama Song (ed. Mercure de France, 2007), roman qui mêle éléments biographiques et imaginaires de la vie de Zelda Fitzgerald : « Mes personnages arrivent très différemment. Leur point commun est qu’ils sortent du réel. Je m’empare d’une réalité que j’ai envie de restituer, je ne suis pas un écrivain d’imagination. Le réel est tellement riche que je ne vois pas la nécessité d’aller chercher ailleurs. Pour le choix d’un sujet de roman, il faut que je sois un peu dupe de mon travail. C’est la magie de l’écriture : je raconte la jeunesse de mes parents mais quand le roman se termine, ce ne sont plus mes parents, ils se sont mis à exister comme des personnages à part entière. Le langage transforme. J’ai écrit le livre sans avoir mis les pieds en Alabama, lieu très important dans mon récit. Je l’ai donc imaginé, mais j’ai bien fait d’y aller au cours de l’écriture : je m’imaginais une végétation luxuriante, alors que c’est sinistre ! Mais je n’ai rien changé à mon livre. J’ai respecté la chronologie et les lieux de la vie de Zelda, puis j’ai laissé place à l’imagination. Il faut faire très attention aux autres. Je ne raconte pas ma vie, je partage un côté universel. J’ai écrit à la première personne pour Zelda Fitzgerald et j’ai découvert comme il est évident de plonger dans la peau d’un autre. On a cela en nous. Dire « je » en étant quelqu’un d’autre est une expérience exceptionnelle ».

Catel Muller est une illustratrice française. Elle a notamment travaillé sur Olympe de Gouges, rédactrice de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne : « Travailler sur une réalité comme ça dépasse toute fiction. Elle a une vie incroyable, mais complètement oubliée. On a décidé de travailler sur des clandestines de l’Histoire, ces femmes qui ont marqué les époques mais sont inconnues. On a reconstitué sa vie, très romanesque. Elle demande l’égalité des femmes avec les hommes ! Mon envie était de la faire revivre, de me l’approprier. Si je n’y crois pas, personne ne va y croire. Il a donc fallu des mois de recherches, de repérages et de croquis. Un véritable travail de reconstitution pour le scénariste et la dessinatrice. Il faut arriver à lui donner des attitudes et des expressions justes pour qu’elle soit proche de nous. On met toujours de soi dans un personnage fictif comme réel : « Madame Bovary, c’est moi ». »

(Crédits photo : Catherine Hélie, ©Isabelle-Franciosa, HuffingtonPost)

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