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C’est encore un peu hésitant, un peu maladroit. Je ne sais pas trop d’où ça peut venir, peut-être sous moi, ou juste à côté. C’est douloureux aussi. Ça fait comme…des petits coups de marteaux. J’entends des bruits sourds et saccadés.
Il fait noir et trop chaud.
Puis, un peu plus tard, la cadence presque régulière. La douleur se fait moins forte.
Mais je suis toujours dans l’obscurité. Ce qui me rassure c’est que je suis au chaud. Je dois être posé sur un truc doux.
Je sens un picotement. Quelque part. Je ne sais pas où non plus. C’est étrange, ce picotement est lointain. L’analogie avec une plage lointaine s’accroche en moi pour une raison qui m’échappe.
Peut-être est-ce dû au fait que j’entends maintenant comme le grondement régulier de vagues qui s’écraseraient pas très loin d’içi. Un ressac lent mais puissant. L’air est tellement chaud, surchargé de senteurs encombrantes, mal venues. C’est insupportable.
Ça me pique…le nez.
Le nez ?
Mais que suis-je ?
Si j’ai un nez…je dois avoir aussi tout ce qui va autour. Des oreilles, c’est sûr que j’en ai puisque j’entends toujours le bruit qui cogne en sourdine.
Alors, j’essaie d’ouvrir les yeux mais rien à faire. Je tente aussi de faire bouger mes. En vain aussi.
Restons calme, le fait d’être dans le noir ne doit pas me troubler et je dois me concentrer pour savoir ce qu’il m’arrive.
Je suis un être vivant. Premier point. Je dispose de sens qui me permettent de percevoir le monde. Mais…je suis aveugle.
Les picotements se font gênants. J’aimerais bien pouvoir arrêter ça. Dans la liste des sens à ma disposition, il ne semble pas que celui du toucher y figure. Dommage… ça commence à m’irriter. La peau et les nerfs.
Un peu de temps passe et je prends conscience que je ne suis pas seulement un animal aveugle et immobile. Enfin, c’est bien mon état actuel mais je sens que je ne suis pas que ça.
Bigre, ça devient compliqué. Doué de sens, de la pensée, aveugle et immobile. La liste s’allonge mais je n’y trouve pas beaucoup de choses intéressantes. Continuons les recherches…
Puisque je ne vois pas, je vais me concentrer sur ce que je peux entendre. Et ça donne quoi ?
Des bruits confus, avec un peu d’écho, parfois des sons plus précis, perçants dans le ronron ambiant. Il faut que j’oublie un peu les cognements réguliers, ils gênent ma perception du reste. Ça me prend plein de temps, et beaucoup d’efforts pour me défaire de sa présence, pour éloigner ma conscience de cette omniprésence rassurante mais aussi perturbante.
J’y arrive enfin.
Et je commence à mieux identifier ce qui m’entoure.
Dire précisément de quoi il retourne serait encore prétentieux mais, au prix d’une attention soutenue, je commence à discerner des sons que je connais. On dirait…des mots. Non, des voix. Oui, des voix ! Et je connais ces voix. Leurs sonorités me rappellent plein de choses mais tout m’arrive par vagues et je suis submergé très vite. Et les voix me parlent !
Enfin, je dis ça mais je ne comprends pas un traître mot de ce qu’on me glisse au creux de l’oreille. D’ailleurs, je sens le souffle chaud de l’air déplacé par une bouche qui me parle de près, de très près.
Me réveiller ? Qu’est-ce que ça veut dire ? Mais…je suis réveillé !
A présent, je sais reconnaître plusieurs voix différentes. Il y en a une, en particulier, qui reste présente presque tout le temps. Et puis deux ou trois autres que je finis par distinguer.
Toutes ces voix me demandent de me réveiller. Je ne comprends pas…
Puis je sens soudain une violente secousse en moi, qui me bouleverse en profondeur. La douleur est intense, quasi-insupportable.
Mais le résultat est là.
La lumière m’aveugle, entre en moi à grands flots. Je suis encore aveugle mais à cause d’un excès de lumière à présent ! Et les sons sont plus clairs aussi.
J’entends même un type en blouse verte brailler que je viens de revenir…
– Une renaissance inespérée ! Prévenez le légiste et annulez l’autopsie !
Frédéric Callet-Raval