Eric Fouassier : Avez-vous la fibre d’un écrivain ?

Eric Fouassier est écrivain. Auteur de romans et de nouvelles, il se consacre à la fois à la littérature générale et au genre policier. Son prochain livre « Bayard et le crime d’Amboise » se situe entre le thriller historique et le roman de cape et d’épée. Il paraîtra en janvier 2012 aux éditions Pascal Galodé.

Découvrez un reportage vidéo sur Eric Fouassier sur : sa page chroniqueur. Retrouvez sur enviedecrire.com, les chroniques d’Eric Fouassier. Tous les mois, il raconte son expérience d’auteur et donne des conseils aux apprentis écrivains.


Si vous vadrouillez sur le site enviedecrire.com (un bon point pour vous !), c’est que vous vous êtes probablement déjà posé la question suivante un jour ou l’autre : « Ai-je la fibre d’un écrivain ? » ou – ce qui est loin d’être la même chose – « Est-ce que moi aussi un jour j’aurais mon nom imprimé sur la couverture d’un vrai livre, un livre-rien-qu’à-moi-tout-seul-que-je-l’ai-écrit-avec-mes-petites-menotte s? » C’est vrai quoi ! Depuis quelques années, vous écumez les concours de nouvelles de France et de Navarre. Vous en êtes à votre quatrième atelier d’écriture. Un de vos textes vient même d’être publié dans la revue cantonale de l’amicale des gratte-papier de Triffouilly-les-Oies… alors le moins que l’on puisse dire, c’est que l’interrogation est légitime. Eh bien soit ! Examinons la question d’un peu plus près. Mais d’abord pour cela, encore faut-il que nous nous mettions d’accord pour savoir de quoi nous parlons.

Qu’est-ce qu’un écrivain ?

Définir ce qu’est un écrivain, voilà un sacré défi. Bonjour la patate chaude ! J’imagine en effet que chacun peut avoir sa définition et contester, avec force arguments pertinents, celle du voisin. Tant pis ! Je me lance à l’eau ! Pour moi, il y a en fait différentes strates. L’intime : être écrivain, cela correspond en tout premier lieu au besoin, à l’impérieuse nécessité de s’exprimer en couchant des mots sur le papier, avec un minimum de style. Cela a à voir avec les notions de plaisir solitaire mais aussi d’exigence. Et puis, bien sûr, il y a ensuite la strate sociale : être écrivain, c’est confronter ses textes au regard des autres, c’est-à-dire être publié, toucher le lectorat. Les deux strates peuvent être réunies chez la même personne mais pas toujours. Je connais des gens qui sont de véritables écrivains et qui ne sont pas publiés (par souhait, malchance, incompréhension ou méconnaissance du monde de l’édition… les raisons peuvent être multiples) mais aussi des auteurs édités, vendant parfois beaucoup de livres, et qui ne sont pourtant pas des écrivains au sens de l’intime que j’évoquais plus haut.

Si pour vous, être écrivain relève uniquement de la strate sociale, c’est-à-dire que ce qui vous motive pour écrire, c’est le désir d’avoir votre nom écrit sur la couverture d’un livre publié sous la marque d’une prestigieuse maison d’édition, ou bien la perspective d’être reçu dans le dernier talk show à la mode où vous brillerez par vos spirituelles réparties, ou alors l’envie folle d’être adulé par vos admirateurs inconditionnels, le meilleur conseil que j’ai à vous donner, c’est de laisser tomber votre stylo ou votre traitement de texte et de vous précipiter au casting de la prochaine émission de télé réalité. Il est fort probable que vous éviterez ainsi de commettre de forts mauvais livres.

Vivre sous une perfusion de mots

A mes yeux, en effet, l’écriture relève en tout premier lieu de la sphère intime. Être un écrivain relève davantage du besoin que du désir. Cela passe par la nécessité impérieuse de coucher son univers sur une feuille de papier. L’amour des mots, ce besoin de se coltiner avec eux, de les triturer pour transmettre sa propre petite musique, est la seule exigence qui vaille. C’est pour cette raison qu’avant l’écriture, il faut parler de lecture. Pour devenir écrivain, il faut d’abord être lecteur. Tomber sous le charme de ceux qui ont tenté l’aventure avant vous. Un écrivain qui n’aimerait pas lire ses confrères – présents ou passés – me ferait penser à un boucher végétarien qui tenterait de vous convaincre que sa viande est la plus savoureuse qui se puisse goûter. Une petite anecdote : il y a deux ou trois ans, sur un salon du livre, je me souviens qu’un auteur de polar se vantait de ne jamais lire de romans policiers. Est-ce hasard ? Le seul livre que j’avais lu de lui m’avait paru déséquilibré, artificiel. Les rebondissements étaient soit « téléphonés » soit totalement incongrus. Depuis, ce faiseur écrit des thrillers ésotériques. Qui sait ? Il pourrait un jour nous concocter le « Da Vinci Code » français. Ce serait la meilleure preuve qu’il n’est qu’un médiocre écrivaillon végétarien.

Etre soi-même

La soif des mots. Il faut l’avoir, mais cela ne suffit pas. Sinon la lecture peut suffire à l’étancher. Il faut ensuite suffisamment de culot, de confiance en soi pour oser ajouter sa voix au concert de tous ceux qui vous ont devancé. Parce qu’écrire, c’est s’exposer ! Même si l’on ne publie jamais ! C’est s’exposer parce que l’exercice ne laisse jamais indemne. On abandonne toujours un peu de soi sous la plume. Un peu de sang au cœur de l’encre. Que l’on écrive de la science-fiction, du roman intimiste, du polar ou de la fresque historique, pour peu que l’on soit sincère, que l’on ne cherche pas à plaire à tout prix au lecteur, à écrire un livre au goût du jour, c’est toujours de soi-même que l’on parle. Il faut donc être prêt à se contempler dans les yeux, à assumer ses blessures intimes, son orgueil démesuré, ses désirs inassouvis…

Voilà, si vous possédez ce bagage indispensable, l’amour des mots, la confiance en vous et le courage de faire face à vous-même, je crois que vous avez aussi votre réponse : Vous avez bel et bien la fibre d’un écrivain. Alors, ne vous contentez plus de l’expérience ou du témoignage des autres, mettez-vous au travail !

Découvrez Bayard et le crime d’Amboise, le prochain roman d’Eric Fouassier, à paraître en janvier 2012 aux Editions Pascal Galodé.

Les 3 et 4 mars 2012, Eric Fouassier dédicacera ses livres au Festival Rue des livres de Rennes.
Retrouvez : Eric Fouassier sur son site d’auteur

 

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5 Replies to “Eric Fouassier : Avez-vous la fibre d’un écrivain ?”

  1. Etre écrivain, n’était-ce pas tout simplement « écrire ce qu’on aurait envie de lire » ?

  2. Marco dit :

    J’aime bien ce texte… j’y ajouterai que l’écrivain a l’endurance qui lui permet de durer dans le temps…

  3. Alain L. dit :

    En très grande partie d’accord avec l’auteur.
    L’écriture est envie plutôt irrépressible. Assumer ses textes vient avec l’âge et la conscience que si on ne les écrivait la situation serait bien pire.

  4. Antoine R dit :

    En fait on devient écrivain avec l’accouchement d’un premier texte publié tout comme on devient parent avec son premier enfant. Il y a effectivement une étincelle de désir à l’origine. Etincelle produite par de multiples lectures jusqu’à l’envie de passer de l’autre côté du miroir et de proposer à son tour une histoire avec un petit espoir de reconnaissance. Pendant qu’on se trouve dans l’envers du décors, la foi est nécessaire car c’est plutôt le désordre avec un bric à brac (les brouillons), avec des zones d’ombre (les doutes), avec des échaffaudages (la grammaire), avec cependant un curieux engagement vis-à-vis de nos personnages qui eux demandent à aller dans la lumière. On a beau expliquer aux lecteurs que toute ressemblance avec notre réalité est fortuite, c’est bien une partie de soi-même qu’on expose au final !

  5. Alexandre Vigo dit :

    Merci

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